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JESUS LE JUIF


 

 

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JÉSUS LE JUIF

Conférence donnée

par Christian BERNARD

 

 

Plan de la conférence

Documents

LE BAPTEME DE JESUS

Conférence

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Plan de la conférence

I- COMMENT ACCÉDER A LA CONNAISSANCE SUR JÉSUS ?

1) les sources

a- non chrétiennes

romaines ( Pline, Tacite, Suétone)
musulmanes ( le Coran)
juives ( Flavius Josèphe, le Talmud )

b- chrétiennes

les textes canoniques du Nouveau testament ( lettres de Paul, les 4 évangiles)
les écrits apocryphes du N. T. 3 types:

- écrits gnostiques (Évangile de vérité, Évangile de Philippe, Évangile de Thomas..)

- écrits judéo-chrétiens perdus (Ev. des Ébionites, Ev. des Égyptiens, Ev. des Hébreux...)

- écrits tardifs ( IIe- IVe siècles) ( Histoire de Josèphe, Ev. de Nicodème..)

2) les difficultés d'approche du Jésus de l'histoire

a- difficulté venant de la nature des sources

b- la brièveté de la vie de Jésus

c- les silences de Jésus

3) les critères d'authenticité des gestes et paroles de Jésus

critères d'embrassement, de double différence, d'attestation multiple, de cohérence, de rejet, de paroles en araméen, de réalisme et d'environnement palestinien.

II- LE MESSAGE DE JÉSUS : LA VENUE DU ROYAUME DE DIEU.

1) la venue du Royaume de Dieu par la violence politique : les nationalistes juifs;

 quelques exemples de nationalistes Juifs de l'époque de Jésus : Judas le galiléen, Athrogès, Theudas, l'Egyptien...les Zélotes.

2) la venue du Royaume de Dieu par la violence apocalyptique.

 

a- ce qu'est la foi apocalyptique.

b- en quoi Jean le Baptiseur est-il concerné par ce mouvement ?

3) la conception du Royaume de Dieu par Jésus.

 a- réponse de Jésus à ces appels à la violence : le signe de Jonas

b- la venue du R. de Dieu sur terre et non de façon apocalyptique.

c- le R. de Dieu est une grâce de Dieu mais aussi l'oeuvre des hommes.

III- JESUS MESSIE ?

1) quelles sont les attentes des Juifs à l'époque de Jésus ?

2) Comment jésus a t-il conçu son rôle dans le plan divin ? s'est-il considéré comme le messie d'Israël ?

3) Jésus : le Roi sans prophète !

Conclusion : les 4 étapes de la vie publique de jésus, essai de reconstitution.

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WB01727_.gif (697 octets)Documents

document 1: chronologie des sources

Vie de Jésus

-6, -7

- 4

30

naissance

mort d'Hérode le Grand

   mort de Jésus

entre 50 et 63Epîtres de Paul
vers 65-70Evangile de Marc
de 66 à 70/74guerre Juifs / Romains, le Temple est détruit
vers 85Evangiles de Matthieu et de Luc
vers 95
Evangile de Jean
La Didaché ( enseignement)
Epître de Clément de Rome aux Corinthiens.
Les Antiquités juives de Flavius Josèphe
vers 112Lettres de Pline le Jeune
vers 115Epître d'Ignace d'Antioche, Annales de Tacite.
vers 120Vie des 12 Césars de Suétone
vers 130Evangile de Thomas.
135
révolte juive de Bar Kochba reconnu comme messie par la rabbin Akiba,
la ville de Jérusalem est détruite, interdite aux Juifs.
Jérusalem devint une ville romaine : Aelia Capitolina.

Document 2 : les trois évangiles synoptiques: Marc, Matthieu, Luc

Théorie dite des deux sources  

Marc ( Mc) Q ( Quelle= Source)

661 versets

SMt Mt Lc Slc

multiples 1068 1150 600( multiples

traditions traditions)

Document 3: passages du N.T. concernant la venue du Royaume de Dieu

a- le rejet par Jésus d'un avènement par la violence

Mt XI-11-12 " En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d'une femme, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste; et cependant, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des cieux est assailli avec violence; ce sont des violents qui l'arrachent. Tous les prophètes en effet, ainsi que la loi, ont prophétisé jusqu'à Jean. C'est lui, si vous voulez bien comprendre, l'Elie qui doit revenir. Celui qui a des oreilles ,qu'il entende! A qui vais-je comparer cette génération ? Elle est comparable à des enfants assis sur les places, qui en interpellent d'autres : " Nous vous avons joué de la flûte, et vous n'avez pas dansé! Nous avons entonné un chant funèbre, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine!"

En effet, Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l'on dit : "Il a perdu la tête". La Fils de l'homme est venu, il mange, il boit, et l'on dit :" Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d'impôts et des pécheurs!" Mais la sagesse a été reconnue juste d'après ses oeuvres".

b- exemples de conception du Royaume de Dieu par Jésus:

-Mt VI,9 Le Notre Père:

"Vous donc, priez ainsi: Notre Père céleste, fais-toi reconnaître comme Dieu, fais venir ton Règne, fais se réaliser ta volonté sur terre à l'image du ciel. Donne-nous aujourd'hui le pain dont nous avons besoin, pardonne-nous nos torts envers toi, comme nous-mêmes nous avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous, et ne nous expose pas à la tentation, mais délivre-nous du Tentateur." En effet si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes."

Mt VII, 21 " Ce n'est pas en me disant Maître, Maître! qu'on entrera dans le Royaume des cieux, mais en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux".

Lc XVII, 20-21 : " Le Règne de Dieu ne vient pas comme un fait observable. On ne dira pas: "Le Voici ou le Voilà". En effet, le Règne de Dieu est parmi vous." (en vous, à votre portée; l'Evangile de Thomas dit " au-dedans de vous"..

-Mt V,37 " Vous avez appris qu'il a été dit : Oeil pour oeil et dent pour dent. Et bien moi, je vous dis de ne pas résister ( comprendre riposter) au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends lui aussi l'autre...

"Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux..."

 document 4: textes de Flavius Josèphe ( dans les Antiquités juives" 18,63 et 18, 116-119)

a- sur Jésus ( les passages entre crochets sont très certainement des retouches chrétiennes):

"Vers le même temps vint jésus, homme sage, [ si toutefois il faut l'appeler un homme]. Car il était un faiseur de miracles et le maître des hommes qui reçoivent avec joie la vérité. Et il attira à lui ( ou il apporta le trouble à) beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. [Il était le Christ]. Et lorsque, sur la dénonciation de nos premiers citoyens ( les hauts dignitaires), Pilate l'eut condamné à la crucifixion, ceux qui l'avaient d'abord chéri ne cessèrent de le faire, [ car il leur apparut, trois jours après, ressuscité, alors que les prophètes divins avaient annoncé cela et mille autres merveilles à son sujet]. Et le groupe appelé d'après lui des Chrétiens n'a pas encore disparu."

 b- sur Jean le Baptiste:

" Or, il y avait des Juifs pour penser que si l'armée d'Hérode avait péri, c'était par la volonté divine et en juste vengeance de Jean surnommé le Baptiste. En effet, Hérode l'avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour être unis par le baptême; car c'est à cette condition que Dieu considérait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. D'autres s'étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l'entendant parler. Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. A cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machéronte, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. Les Juifs crurent que c'était pour le venger qu'une catastrophe s'était abattue sur l'armée, Dieu voulant ainsi punir Hérode."

document 5: violence apocalyptique liée à Jean le Baptiste

a- prédication de Jean en Luc III, 7-18

" Il disait donc aux foules qui s'en venaient se faire baptiser par lui: " Engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la Colère prochaine ?.....déjà même la cognée se trouve à la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.

Pour moi, je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi....lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner pour nettoyer son aire et recueillir le blé dans son grenier; quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s'éteint pas." Et par bien d'autres exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

b-Luc IX, 54 Jésus réprimande les fils de Zébédée Jacques et Jean

"S'étant mis en route, ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. Mais on ne les reçut pas, parce qu'il faisait route vers Jérusalem. Ce que voyant, les disciples Jacques et Jean dirent: " Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ?" Mais se retournant, il les réprimanda

c-extraits du Magnificat chez Luc I, 51-56: Marie dit alors :

" Il ( Dieu) est intervenu de toute la force de son bras..... il a jeté les puissants à bas de leurs trônes... il est venu en aide à Israël son serviteur."

"Marie demeura avec elle environ trois mois.." Si ce texte avait été dit par Marie, il y aurait : Marie demeura avec Elisabeth. Dans les premiers manuscrits, le Magnificat était prononcé par Elisabeth et non par Marie; c'est un texte d'origine baptiste qui fut "christianisé

d.- du Benedictus Luc I, 67...

lire le texte et repérer les formules " sauver", délivrer Israël de ses ennemis, de la main de tous ceux qui nous haïssent."

document 6: Quelles sont les attentes juives à l'époque de Jésus ?

a- le prophète annoncé par Moïse:

Dt XVIII, 15 : " Yahvé ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi, que vous écouterez.......18: je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Si un homme n'écoute pas mes paroles, que ce prophète aura prononcées en mon nom, alors c'est moi-même qui en demanderai compte à cet homme. Mais si un prophète a l'audace de dire en mon nom une parole que je n'ai pas ordonné de dire, et s'il parle au nom d'autres dieux, ce prophète mourra." Peut-être vas-tu dire en ton coeur: " Comment saurons-nous que cette parole, Yahvé ne l'a pas dite ?". Si ce prophète a parlé au nom de Yahvé, et que sa parole reste sans effet et ne s'accomplit pas, alors Yahvé n'a pas dit cette parole-là. Le prophète a parlé avec présomption. Tu n'as pas à le craindre.

Evangile de Jean VI, 14-15: à propos de la multiplication des pains:

" A la vue du signe qu'il venait de faire, les gens disaient : " C'est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde." Alors Jésus se rendant compte qu'ils allaient venir s'emparer de lui pour le faire roi, s'enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul."

b- le retour du prophète Elie ( le plus connu de ses "miracles" est le défi lancé aux 450 prophètes de Baal; Elie évoque le Dieu d'Israël, celui-ci vient mettre le feu au sacrifice préparé par lui, l'histoire se trouve dans 1 R XVIII, 24. Elie n'est pas mort, mais enlevé au ciel, le prophète Malachie annonce son retour en III, 19-22 ( triomphe des Justes au Jour de Yahvé):

" Car Voici: le Jour vient, brûlant comme un four....Voici que je vais vous envoyer Elie le prophète, avant que n'arrive le Jour de Yahvé, grand et redoutable. Il ramènera le coeur des pères vers leurs fils et le coeur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d'anathème".

c- un personnage surnaturel : le "Fils de l'Homme"

selon la vision apocalyptique de Daniel VII, 13

" Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d'homme.... à lui fut conféré empire, honneur et royaume, et tous peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera pas détruit."

d- un descendant du roi David, restaurateur de la royauté légitime et de l'indépendance politique; c'est une promesse faite à David par le prophète Natan en 2 Samuel VII, 12-17.

" Je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles, et j'affermirai pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils: s'il commet le mal, je le châtierai avec une verge d'homme et par les coups que donnent les humains. Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l'ai retirée à Saül, et que j'ai écarté de devant moi, ton trône sera affermi à jamais. Natan communiqua à David toutes ces paroles et toutes cette révélation ".

e- un messie ( de l'hébreu messiah qui signifie oint: celui qui a reçu l'onction divine donnée par un prophète, c'est-à-dire, le roi: messie = oint = roi. messiah se dit christ en grec.

- soit de la lignée de David : 2 Samuel VII, 12 cf. plus haut

- soit Zacharie IX,9 : " Crie de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi: il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse.......il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre".

document 7. textes sur le thème " Jésus, le roi ( messie) sans prophète".

a- Jésus non reconnu par Jean le baptiste Mt XI, 2-6:

" Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des oeuvres du Christ. Il lui envoya de ses disciples pour lui dire :" Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? Jésus leur répondit : " Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi!".

b-Jésus obligé de se rendre témoignage à lui-même:

Jean VIII, 13: " Les pharisiens lui dirent alors : " Tu te rends témoignage à toi-même; ton témoignage n'est pas valable." Jésus leur répondit : " Bien que je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est valable, parce que je sais d'où je suis venu et où je vais.... parce que je ne suis pas seul; mais il y a moi et celui qui m'a envoyé... je suis à moi-même mon propre témoin et pour moi témoigne le Père qui m'a envoyé...il prononça ces paroles au Trésor, alors qu'il enseignait dans le Temple. Personne ne se saisit de lui, parce que son heure n'était pas encore venue".

c- Jésus a pu interprété son baptême comme une onction royale.

Mt III, 16 " Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l'eau; et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux disait : " celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur".

Lc III, 21-22: " Or il advint, une fois que tout le peuple eut été baptisé, et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s'ouvrit, et l'esprit saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix partit du ciel : " Tu es mon fils; moi aujourd'hui, je t'ai engendré".

Psaume II, 7 : " Il m'a dit :" Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.."

Pour aller plus loin

1-la revue " Le Monde de la Bible " N° 109, mars- avril 1998 "Que sait-on de Jésus ?

2- Charles PERROT, " Jésus, Christ et Seigneur des premiers chrétiens " collection Jésus et Jésus-Christ n ° 70, Desclée, 1997.

3- l'émission de télévision " Corpus Christi sort en vidéo ( coffret de 6 vidéos, 2 titres par K7), le texte a déjà été publié.

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LE BAPTEME DE JESUS

A l'origine il y a très certainement un fait authentique( critère d'embarrassement), Jésus a bien reçu le baptême de Jean, mais cet événement a connu une série de réécritures et d'interprétations qu'il est utile de rappeler. Pour des motifs que l'on comprend mal, les deux hommes, et donc les deux mouvements se sont séparés, sont devenus opposés, ce qui n'empêche pas que bon nombre de disciples de Jean soient devenus disciples de Jésus et chrétiens. Ces disciples d'ailleurs ont beaucoup apporté aux christianismes primitifs, aux constructions théologiques des évangiles, les conceptions apocalyptiques par exemple avec tout ce que cela implique, y compris l'idée de résurrection.

Notre lecture part des hypothèses suivantes:

* Jésus a été baptisé par Jean, il a reçu un baptême qui efface les péchés, ceci a posé un double problème aux chrétiens ( Jean est plus grand, ce n'est pas Jésus qui efface les péchés).

* Jean le Baptiste n'a pas reconnu Jésus comme messie, il est resté en marge du Royaume.

Voyons comment les 4 évangiles se sont débrouillés pour concilier tout cela.

1) Marc: I- 9-11

Le baptême s'accompagne d'une confession des péchés, Jean attend quelqu'un de plus grand que lui. (6-7). La vision et la voix s'adressent au seul Jésus, c'est une expérience intérieure, cela se passe "aussitôt" le baptême : sur la rive?, quelques heures après ? tout est toujours comprimé, en accéléré dans Marc. Jésus est un pénitent, il va vers Jean. Jésus a dû en faire part à ses disciples après, Jean n'est pas au courant.

2) Matthieu: III-13-17.

Face à l'embarras de l'Eglise, Mt apporte 3 modifications au texte de Marc:

* omet de dire que c'est un baptême pour la rémission des péchés ( Jésus déclare lors de la Cène que son sang sera versé pour la rémission des péchés ( Mt XVI-28).

* Jean dialogue ( récit absent de la source Q), Jean est un témoin conscient de la scène, il s'humilie devant Jésus.

* la voix est destinée à la foule ( la voix est objectivée, et non plus intérieure) tout le monde sait qui est Jésus ! Jean et les autres savent donc que Jésus est le messie intronisé par Dieu. Jean est le témoin privilégié.

3) Luc: III- 21-22.

Luc a le même problème à résoudre, mais sa communauté sait que Jean n'a pas reconnu Jésus, alors comment s'y prendre ?

Le récit est très sobre, court; la baptême est raconté rapidement après l'emprisonnement de Jean, ce qui permet de ne pas citer Jean. Voilà la solution de Luc, éliminer le gêneur, Jean est absent, Dieu intronise Jésus directement, il y a une voix, mais on ne sait pas qui l'entend . De plus, la voix vient, après le baptême, alors qu'il était en prière dit le texte. ( expérience intérieure). Par contre Luc invente la rencontre intra-utérine des deux bébés , Jean et Jésus. Luc situe en légende ce qui n'a pas eut lieu historiquement ! La version de Luc est plus juste historiquement.

4 - Jean I- 29- 34.

a une construction élaborée différemment. Dans la région d'Ephèse où fut certainement achevée la rédaction de cet évangile, les groupes chrétiens étaient en lutte contre des groupes baptistes, comment convaincre ces baptistes de devenir chrétiens ?

Pour Jean, Jésus est Dieu, il est le Logos, point n'est donc besoin pour lui d'une révélation divine pour savoir qui il est . Par contre la révélation est faite à Jean, et à lui seul. Jean affirme que cette révélation divine lui a ordonné de baptiser pour préparer le terrain à Jésus et lui a permis de reconnaître Jésus, une opération donc entièrement accomplie par Jean. Ce n'est plus le baptême de Jean qui enlève les péchés mais Jésus, l'agneau de Dieu. Il y a là une christianisation de Jean, le message s'adresse aux baptistes de l'époque ( vers 100), les invite à devenir chrétiens s'ils ne veulent pas trahir leur maître ,Jean le baptiste ,qui lui ,savait. Ceci est peut-être une des raisons de l'écriture de l'évangile selon Jean.

Nous avons là le discours chrétien achevé sur la baptême, Jean reconnaît enfin Jésus, il y a continuité, accomplissement du judaïsme, tout va pour le mieux.

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Conférence

JÉSUS LE JUIF

Nous avons tous en tête un schéma de la vie de Jésus articulé autour de trois pôles: son enfance avec des récits fabuleux, son ministère public rythmé de messages ,de guérisons et de "miracles" et enfin, son arrestation et sa passion.

D'où nous vient cette connaissance ? essentiellement de l'enseignement religieux reçu. C'est un schéma construit en picorant dans les évangiles et dans la tradition, c'est une biographie de Jésus bricolée, faite d'éléments pris aux différents évangiles et mis bout à bout, certains étant pris aux apocryphes ( l'âne et le boeuf).

La recherche scientifique, la critique rationnelle s'exercent sur ces textes à partir du XVIIIe siècle, le siècle dit des Lumières. Parfois le rationalisme est un peu virulent, pensons à l'ouvrage intitulé Jésus ,de Renan au XIXe siècle. A la fin XIXe siècle, en réaction, le Père Lagrange va lancer l'étude rationnelle chrétienne. Tous s'apercevront, que les textes du Nouveau Testament qui constituent la source principale de notre connaissance ont chacun leur propre logique, qu'ils peuvent être contradictoires entre eux, que l'on ne peut plus mettre bout à bout des morceaux choisis pour reconstituer une vie de Jésus. C'est Albert Schweitzer qui le premier l'affirmera en 1905.

Actuellement, les nouveautés de la recherche viennent d'une meilleure connaissance du milieu juif dans lequel vivait Jésus. Jésus est replongé dans sa judaïté, cela permet une meilleure lecture des sources écrites.

Ce qui va être présenté ici est un point de vue de la recherche historique récente. La démarche de l'historien consiste à Etudier les sources avec ses méthodes critiques. L'historien n'a pas à se positionner par rapport au discours classique de la foi, il n'est pas là pour confirmer la véracité d'une croyance ou à l'inverse pour chercher à démolir une foi. Il cherche le plus probable en s'appuyant sur ses sources. Par ailleurs, la foi, elle, ne doit pas s'accrocher à n'importe quelle légende douteuse, elle ne doit pas être choquée par les réflexions des chercheurs, elle doit savoir ce qui est pour elle l'essentiel, et relativiser l'accessoire.

I- COMMENT ACCEDER A LA CONNAISSANCE SUR JESUS ?

1) les sources écrites sont en apparence nombreuses et diverses, mais en fait, le Jésus de l'histoire n'est abordable qu'à partir de sources chrétiennes essentiellement.

a- Les écrits non chrétiens qui mentionnent Jésus, ne sont pas très nombreux, pas très riches de renseignements pour notre enquête, mais au moins, cette diversité contribue à asseoir Jésus comme personnage historique ayant réellement vécu.

- musulmans: Le Coran a tout un développement sur Jésus ( Isa); ce texte peut nous paraître d'une faible utilité car tardif , 7 siècles après Jésus, mais en fait, il fait référence à de très anciennes traditions, comme le docétisme par exemple.(1)

- juifs: un auteur juif, Flavius Josèphe, nous a laissé dans ses ouvrages, "les Antiquités juives" et "la guerre des juifs" un tableau intéressant du monde juif du premier siècle où il est fait mention de Jésus et de Jean le baptiste. Même si un passage concernant Jésus a certainement été remanié par un auteur chrétien dans la version du texte qui nous est parvenu, le témoignage de ce Flavius Josèphe est d'un très haut intérêt pour notre sujet, car c'est un point de vue juif, non chrétien.

Flavius Josèphe connaît bien les mouvements politico- religieux de Palestine car il a lui même participé au soulèvement juif contre les Romains en 70 avant de travailler pour eux comme historien; ses écrits sont datés des environs de 95, à peu près à l'époque de la rédaction de l'évangile selon Jean.

- romaines: incidemment, le nom de Chrestos ( le Christ) est mentionné chez trois auteurs romains, Pline, Tacite et Suétone,(2) à propos de troubles occasionnés par la présence de communautés chrétiennes dans l'empire romain. Cela ne nous apprend rien sur Jésus .

b- Les écrits chrétiens sont donc essentiels pour connaître le personnage Jésus, ces écrits peuvent être classés en trois grandes catégories:

- les écrits appelés le Nouveau Testament canonique ( reconnu par les Eglises), ce sont ici:

* les lettres de Paul ( entre 50 et 63).

* les 3 évangiles dits synoptiques ( car pouvant se lire en parallèle) Marc, Matthieu et Luc. Une des théories les plus répandues sur leur composition ( théorie des 2 sources) estime que Luc et Matthieu dépendent en partie de Marc et d'une autre source écrite perdue appelée Q ( de Quelle= source en allemand). voir le document n°2. Dans cette source Q, Jésus est présenté comme un sage cynique(3) .Ces évangiles synoptiques, reflets de traditions et de communautés un peu différentes les unes des autres dateraient de 65 pour Marc ( avant la chute du Temple en 70), de 80-85 pour Luc et Matthieu.

* l'évangile selon Jean, lui ,daterait de 95 pour sa version finale, malgré sa date tardive, certaines traditions transmises seraient parmi les plus anciennes. Qui en est l'auteur?, qui est le disciple bien-aimé : Jean ? ou plutôt Lazare ? nous ne savons pas, en tout cas, c'est un texte complexe, rédigé sur une longue période, par plusieurs auteurs.

- des écrits apocryphes (4)( non officiellement reconnus par les Eglises, mais documents comme d'autres pour l'historien); là aussi, on peut les classer en 3 groupes:

* des écrits gnostiques (5) dont le fameux évangile de Thomas(6) retrouvé dans les sables de Nag Hammadi en Egypte, daté de 125, qui comprend 114 paroles de Jésus.

* des écrits judéo-chrétiens perdus, connus seulement par des citations des Pères de l'Eglise.

*des amplifications tardives concernant des périodes de la vie de Jésus ( son enfance surtout où l'on trouve l'âne et le boeuf de nos crèches).(7)

- des écrits des Pères de l'Eglise contemporains des derniers écrits du N. Testament, des Pères dits apostoliques comme Clément de Rome, Ignace d'Antioche, qui nous apprennent par exemple que le mot christianisme commence à s'utiliser vers 100.

Les sources majeures pour connaître le Jésus de l'histoire sont donc chrétiennes.

Se pose le problème de leur maniement, de leur fiabilité historique .

2- difficultés d'approche du Jésus de l'histoire.

Nous en retiendrons 3 principales:

a- la première est celle des sources que nous venons de citer:

* problème de leur nature. Les écrits du N. Testament ne sont pas d'abord des écrits d'histoire, ce n'était pas le but de leurs auteurs; ce sont des témoignages de foi, écrits à la lumière de Pâques, à la lumière de la croyance en la résurrection, des écrits à distance de l'événement Jésus donc. Il nous faut tenter de retrouver le Jésus de l'histoire sous le Christ de la foi : entreprise difficile. Il faut beaucoup de perspicacité et de prudence pour décoder ces écrits qui ont été élaborés pour lutter, pour séduire, dans des circonstances très précises que nous ignorons pour une bonne part. Une simple phrase d'allure vraie et historique peut très bien en fait être une construction théologique. Pour ces auteurs, le sens historique est avant tout le sens théologique.

* pour certains, la date tardive de leur rédaction pose problème.

Ne nous laissons pas abuser par l'expression employée par les textes eux-mêmes ( Luc et Jean) de "témoins oculaires"pour essayer de combler l'espace de 30 à 40 ans entre la mort de Jésus et ces écrits. Par cette expression , il faut entendre " ceux qui ont eu une expérience personnelle , de première main, ceux qui connaissent les faits de première main"; c'est-à-dire, qui en proclament la signification : le témoin oculaire est celui qui transmet la tradition, à savoir l'interprétation. Ce n'est donc pas, comme pour nous , un témoin qui se trouvait par hasard sur les lieux de l'événement et qui voit.

Par ailleurs, ce problème de date tardive est un faux problème; ce n'est pas parce qu'un écrit est rédigé à une date plus tardive qu'il ne rapporte pas des traditions anciennes ( entre les écrits sur Bouddha et sa vie terrestre, il y a des siècles, et non pas seulement 30 ou 40 ans ).

b- une deuxième difficulté tient à la brièveté de la vie de Jésus Que pouvons nous dire de la chronologie de sa vie ?

Jésus est né peut-être vers -7 ou -6 car le Roi Hérode est mort en -4 (750 de l'ère romaine) . Au VIe siècle, le moine Denys le Petit s'est trompé en passant du calendrier romain au nouveau calendrier chrétien, Jésus ne serait pas né en 754 ( an 1 du calendrier, il n'y a pas de zéro), 4 ans après Hérode, mais avant sa mort, peut-être en 748.

Il est mort sous Ponce Pilate ( préfet entre 26 et 36), un vendredi ( la date la plus probable serait le 7 avril 30). Pour les synoptiques, le dernier repas de Jésus serait un repas pascal et Jésus serait donc mort le jour de la Pâque juive, pour Jean, ce repas ne serait pas pascal, et Jésus serait mort la veille de la Pâque.

Le motif de la mort ? pour le Juifs, Jésus est accusé d'être "magicien et faux prophète" et à ce titre mérite la mort par lapidation; pour les Romains, comme l'indique, le titulus sur la croix, c'est sa "prétention" à être le messie-roi qui l'a mené à la mort.

La durée de son ministère public est incertaine: un an pour Marc ou trois ans pour Jean? Les historiens penchent plutôt pour la durée "longue" de deux ans et demi ou trois ans, ce qui est fort bref; et l'on comprend que les chroniqueurs de l'époque n'aient pas gardé le souvenir de ce passage éclair ( penser aux 40 ans de Moïse dans le désert, aux 40 ans de la vie du Bouddha après son illumination. L'historien a du mal à voir aussi loin sur une si courte période.

c- la troisième difficulté tient aux silences de Jésus.

* Jésus n'a rien écrit ; certes l'oral est à cette époque très important, le message du maître est fait pour être mis en oeuvre et non par écrit. Jésus savait lire, comme en témoigne son enseignement à la synagogue de Nazareth, il savait également écrire ( il écrit quelques mots sur le sable).

Jésus n'a pas écrit, mais il a agit! ses actes ont été accomplis comme des signes; l'accès à sa personne passe par la compréhension de ses actions.

* le silence de Jésus c'est aussi celui sur son, ou ses titres; qui est Jésus ? C'est la question lancinante des évangiles; a t-il dit quelque chose de lui ? y a t-il sur ce point une parole authentique au-delà des affirmations qu'on lui prête après coup ? Les chercheurs ont mis au point une grille d'analyse des actions et propos attribués à Jésus, afin de déterminer le degré de probabilité.

3- des critères d'authenticité à propos des gestes et paroles de Jésus

a- Le critère d'embarrassement.

Si une parole ou une action avait créé un embarras aux premiers chrétiens, et que cela a été tout de même gardé en mémoire, on ne voit pas pourquoi la chose aurait été inventée et par conséquent, il y a une forte probabilité d'authenticité historique: c'est le cas par exemple du baptême de Jésus par Jean ( Jésus s'humilie en acceptant de Jean le baptême)

b- Le critère de la double différence: un geste ou une parole de Jésus qui ne se trouve ni dans le judaïsme ni dans le christianisme primitif a des chances d'être authentique. (l'interdiction par Jésus du serment, ses disciples qui ne jeûnent pas ...)

c- L'attestation multiple ( une parole reprise dans des sources indépendantes)

d- Autres critères : de cohérence ( des propos entre eux), de rejet ( cohérence avec l'hostilité des autorités juives : les foules qui veulent le faire roi, les paroles sur le Temple..), les paroles conservées en araméen, etc.

Tous ces critères ne sont pas fiables à 100 %, et doivent être recoupés entre eux.

Un groupe de chercheurs américains, le "Jesus Seminar" crée depuis 1985, composé de spécialistes mais aussi de volontaires pour tester les méthodes, a tenté d'appliquer cette grille de lecture des faits et paroles de Jésus. Sur 5 évangiles ( les 4 canoniques plus l'évangile de Thomas, 82 % des paroles testées semblent être inauthentiques; dans le seul évangile de Marc, seule la parole connue " rendez à César ce qui est à César.." est retenue. Un travail similaire effectué par des Allemands sur les seules sentences donnent un meilleur score : 1/2 des paroles sont retenues).

Que faut-il en penser ? est -ce peu ou au contraire inespéré ? tout dépend du point de vue où l'on se place et d'où l'on part. Si l'on considère d'une manière traditionnelle l'évangile comme vrai historiquement à la virgule près, l'on est déçu, mais si l'on considère que ces textes ont pour ambition de transmettre un discours de foi et non un témoignage historique, c'est beaucoup. La moisson n'est donc pas si mauvaise, il ne faut donc pas désespérer de mieux connaître le Jésus de l'histoire.

Malgré ces difficultés, la recherche avance, non pas en cumulant des connaissances comme le souhaiterait le grand public, mais en acceptant des vues nouvelles, c'est-à-dire en acceptant de déconstruire ce que nous connaissions. Le travail d'écriture des sources chrétiennes était un travail de construction pour donner du sens théologique. Le chercheur est parfois amené à déconstruire, non pour détruire, mais pour démonter un raisonnement et tenter d'accéder au savoir historique au sens moderne où nous l'entendons.

II- LE MESSAGE DE JESUS : LA VENUE IMMINENTE DU ROYAUME DE DIEU

Les études récentes montrent que Jésus a été plus préoccupé durant sa vie par son message que par son titre ( de Messie, de Prophète ou autre). Le message diffusé par Jésus, sa Bonne Nouvelle ( sens du mot évangile)(8) était l'annonce de la venue du Royaume de Dieu.

Le Royaume de Dieu ( ou Royaume des cieux chez Matthieu ,ce qui est une expression identique pour un peuple qui répugne à prononcer le mot Dieu) est une situation terrestre où les hommes vivront en harmonie, en accord avec les préceptes de Dieu, en sa présence donc; une situation sans péché créateur de désharmonie, un monde sans Satan ( le diviseur).

Jésus n'est pas le seul à attendre la venue imminente du Royaume de Dieu ,à son époque, il y a alors plusieurs manières de percevoir cette venue. Il nous faut situer la conception de Jésus par rapport aux autres conceptions de son temps.

Les pharisiens eux pensaient que cette venue du Royaume de Dieu était liée à l'observance stricte des commandements de la Thora. Si Jésus n'est pas contre la Loi, sa conception n'est pas aussi littérale, disons fondamentaliste que celle des pharisiens.

Dans l'évangile selon Matthieu XI-11, Jésus semble déplorer une conception violente concernant la venue du Royaume de Dieu: " Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des cieux est assailli avec violence, des violents s'en emparent". Qui sont ces violents dénoncés par Jésus ? Ils relèvent de deux catégories semble t-il : les partisans de la violence politique, et ceux de la violence apocalyptique; analysons ces deux conceptions pour mieux situer Jésus.

1) La venue du Royaume de Dieu par la violence politique : thèse des nationalistes juifs.

a- Depuis la présence grecque puis romaine ( Pompée en -63) sur le sol palestinien, s'est créé un climat populaire hostile à toute perte de culture juive, à toute inculturation. Un climat de violence traverse toute l'époque, dès avant Jésus et bien après lui, avec les deux révoltes juives de 66-70 et de 135.

*Dans l'évangile nous voyons un peu apparaître des Zélotes , des juifs zélés dans le respect et l'application de la Loi, des gens qui veulent imposer par la force, militaire et politique, une pureté du judaïsme, une pureté de la terre d'Israël, qui veulent renverser les hommes au pouvoir, tant romains que juifs collaborateurs, pour installer Dieu au pouvoir, par le biais d'une application dure de la Loi. Toute proportion gardée, il y a une certaine ressemblance avec des mouvements islamistes actuels.

* L'historien juif Flavius Josèphe, nous dresse toute une liste de ces mouvements qui agitèrent la Palestine au premier siècle de notre ère:

-Judas le galiléen à l'époque de la jeunesse de Jésus pousse à la révolte contre l'impôt romain, se prétend messie-roi au sens davidique . L'entreprise sera poursuivie par des membres de sa famille qui seront crucifiés en 46-48, ses petits fils mourront à Massada en 74. Le mouvement de Jésus fut d'une certaine manière lui aussi un mouvement familial avec Jacques ,dit le frère du seigneur , dirigeant la communauté de Jérusalem entre 44 et 62.(9).

- Athrongès,un berger se prétendant messie-roi, qui s'attaqua aux Romains et aux Juifs collaborateurs

-Theudas, un prétendu prophète, emmena des foules au Jourdain pour leur montrer un prodige; le fleuve devait se séparer en deux afin qu'ils puissent passer à pied sec ( souvenir de l'exode).

- l'Egyptien lui aussi prétendant prophète, conduisait les foules pour leur montrer des signes. Lorsqu'il est arrêté, Paul est suspecté d'être cet Egyptien.(10). Tous ces mouvements furent réprimés dans le sang par les Romains. Quelques uns de ces noms se retrouvent mentionnés aussi dans les Actes des Apôtres.(11).

Il y a peut être dans l'entourage de Jésus des disciples liés à ces tendances, Simon le Zélote par exemple. Jésus connaît ces mouvements de violence politique, il s'en inquiète ( des violents s' emparent du Royaume dit-il ). L'évangile n'oppose- t-il pas lors de la Passion, Jésus à l'un d'entre eux, Barabbas arrêté précisément lors d'une émeute?

2) La venue du Royaume de Dieu par la violence apocalyptique.

Ce ne sont plus les hommes qui par leur action font venir le Royaume, mais Dieu lui-même, qui en quelque sorte arrête le cours de l'histoire pour venir régner sur terre comme il règne déjà aux cieux; sa venue se fait par le biais d'un jugement, qui par la violence élimine les hommes indignes.

a- D'où vient cette tradition apocalyptique, cette conception terrible d'une fin de monde inaugurant le monde de Dieu ?. Les racines de cette croyance sont primitivement extérieures à Israël, elles sont venues du contact avec la Mésopotamie au temps de l'exil.

Cette foi apocalyptique, cette foi dans la fin des temps, c'est l'espérance des hommes qui n'attendent plus rien des hommes, c'est le dernier recours.

*Elle apparaît pour la première fois lors des persécutions grecques menées par les Séleucides, vers - 137, dans le Livre de Daniel, puis,

une deuxième fois face aux Romains, c'est par exemple l'apocalypse de Jean où l'on reprend des termes semblables au livre de Daniel; lorsque le Temple est profané , les textes parlent d'"abomination de la désolation".

* Cette irruption violente de Dieu dans l'histoire des hommes, pour établir son Royaume par un jugement terrible, est présente dans les idées de certains, à l'époque de Jésus. Il y a des traces de ces conceptions dans les évangiles, en voici quelques exemples:

-Jean le Baptiste prêchait au désert l'imminence du Jugement de Dieu, et, invitait pour cela au repentir ; il attendait quelqu'un , de plus grand que lui, qui allait baptiser par l'Esprit et le feu.. Sortons du schéma chrétien connu sur Jean le Baptiste et analysons son comportement à la lumière du courant apocalyptique. Le feu en question n'est pas le symbole de l'esprit sous forme de langues de feu de la Pentecôte, mais bien le feu destructeur de Dieu, typique du courant apocalyptique.

- Certains disciples de Jean devenus disciples de Jésus conservèrent ces mêmes conceptions: Jacques et Jean, fils de Zébédée, mécontents du mauvais accueil dans un village de Samarie, proposent à Jésus de faire descendre sur ces gens inhospitaliers le feu de Dieu pour les détruire(12).

- La violence est présente dans les propos de Jean le Baptiste ( nous sommes loin de la douce image véhiculée par un Jean Baptiste chrétien). Pourquoi a -t-il été arrêté et mis à mort par Hérode Antipas : pour avoir critiqué les mauvaises moeurs matrimoniales d'Hérode ? ou bien, à titre préventif, parce qu'Hérode craignait un soulèvement politico- religieux contre lui; c'est ce que nous rappelle Flavius Josèphe (voir le document n°4 b). Jean est très réputé, très écouté, ses propos subversifs font peur. Une partie de ses propos est passée dans les évangiles, car certains de ses disciples devinrent chrétiens, et de ce fait, ces propos furent christianisés. Le Magnificat était primitivement prononcé par Elisabeth, mère de Jean et non par Marie, mère de Jésus; il y a dans ce texte des traces de violence(voir document 5,c), il y est question de renverser les puissants de leur trône; il en va de même pour le Benedictus.

- Les foules dans l'évangile, que sont-elles, que veulent -elles ? Ce sont des gens sans berger nous dit-on ( après l'arrestation de Jean ?), Jésus leur parle juste à ce moment ; ces gens sont assis par carrés de 50 et de 100, quelle organisation pour un pique-nique !? par contre c'est normal pour des formations para militaires qui souhaitent se soulever ! Après la multiplication des pains et des poissons ( signe du banquet messianique !) , Jésus les chasse car "ils voulaient le faire Roi." Jésus donc rejette ces projets politico-religieux liés à la violence et, ce sera d'ailleurs l'époque de sa séparation d'avec le mouvement de Jean le Baptiste.

Voilà donc qui sont les violents qui s'arrachent le Royaume de Dieu. Les deux types de violence que nous avons par moment distingués étaient pour les hommes de ce temps, très mêlés, c'est l'homme moderne qui place des étiquettes. Un écrit apocryphe de l'Ancien Testament, les Psaumes de Salomon, écrit deux générations avant Jésus annonce à la fois un Messie individuel, Fils de David ,et la fin des temps.(13).

3) Quelles étaient les conceptions de Jésus, comment voyait-il la venue du Royaume ?

a- Face à la violence, politique ou de divine, Jésus préfère parler du pardon de Dieu:

c'est le fameux signe de Jonas (14),( signe , lu comme annonce de mort et résurrection dans la conception chrétienne). Jonas, à la fin de l'histoire, prêche aux gens de Ninive, ceux-ci se convertissent et alors Dieu renonce à sa colère. Voilà le message de Jésus face à Jean, ce n'est pas d'annoncer le terrible jugement de Dieu ( quelle bonne nouvelle!) mais le pardon, pour tous, sans exclusion. Alors que Jean prie pour la destruction des méchants, Jésus annonce un Dieu qui se réjouit de la conversion des fils égarés ( voir la parabole du fils prodige)

b- Comment faire venir ce Royaume de Dieu ?

* Par une réforme de la pratique du judaïsme, mais non par plus de légalisme comme les pharisiens, ou par plus d'ascétisme comme Jean au désert, mais par plus d'amour, amour entre les hommes et amour entre les hommes et Dieu.

Mt V, 44 " je vous dis de ne pas riposter au méchant... aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent.".

Mt VII, 21 " ce n'est pas en disant Maître, Maître ! qu'on entrera dans le Royaume des cieux, mais en faisant la volonté de mon Père qui est dans les Cieux".

*La venue du Royaume ne viendra donc pas de le seule action des hommes ( violence pour l'imposer) ou de la seule action de Dieu ( violence également pour l'imposer), mais par une coopération entre Dieu et l'homme, sans violence. Le Royaume de Dieu est une grâce de Dieu et aussi l'oeuvre des hommes invités à changer leur coeur. Ce mi- chemin est dans la droite ligne de l'homme co-créateur, de la conception judéo- chrétienne de la révélation qui est effort d'homme et don de Dieu.

c- Le Royaume annoncé par Jésus est un Royaume terrestre.

Le Notre Père, prière laissée par Jésus, est très proche du texte récité par tous les juifs à la synagogue. En Matthieu VI,9, il est bien dit : " fais venir ton règne, fais se réaliser ta volonté sur terre à l'image du ciel..". C'est un Royaume terrestre par mise en pratique des paroles du Sermon sur la montagne; texte qui est en quelque sorte la constitution du Royaume : "heureux les artisans de paix, heureux les pauvres.." ( c'est-à-dire ceux qui sont aptes à recevoir, disponibles pour écouter Dieu..).

Si Jésus a une espérance, celle du Royaume ( et c'est cela son message!), il a aussi une volonté d'agir pour contribuer à sa venue, il a une stratégie. Ceci nous entraîne à étudier son ou ses titres, comment Jésus s'est-il présenté, comment concevait-il son rôle dans le plan de Dieu, dans la venue du Royaume, quelle était sa part d'action ?

III- JESUS MESSIE ?

Avant d'envisager l'étude des rapports entre Jésus et l'attente messianique, demandons-nous ce qu'étaient les attentes des Juifs à cette époque.

1) Les attentes juives : un libérateur ?

L'analyse des textes et traditions juives montre que les attentes étaient très diverses, mais aussi que tous les Juifs n'attendaient pas quelque chose ou quelqu'un. Par ailleurs, les attentes que nous allons présenter ici l'une après l'autre n'étaient pas aussi nettes et distinctes dans l'esprit des juifs d'alors, plusieurs figures d'attentes pouvaient se chevaucher, se mêler.

Les textes cités en annexes au document 6 distinguent cinq types d'attentes : le prophète annoncé par Moïse, le retour d'Elie, le Fils de l'Homme, un roi-messie descendant de David et un messie moins politique et plus pacifique selon la prophétie de Zacharie.

Selon les groupes, les espoirs se présentaient de manière différente, mais il n'est pas toujours facile de la préciser avec certitude comme en témoigne toute la littérature à propos des attentes messianiques des Esséniens.(15).

Certaines figures sont nettes comme celle d'un messie davidique, d'autres ne le sont pas du tout comme celle du Fils de l'Homme, en tout cas, une attente n'existe pas, c'est celle d'un messie qui devrait mourir pour ensuite ressusciter.

Ces divers titres qui correspondent en partie à des fonctions différentes, ont été attribués à plusieurs personnages de l'époque, soit par des disciples soit par eux mêmes. Pour notre sujet, Jean et Jésus ont, à des moments différents ,été considérés soit comme le prophète, le messie descendant de David, ou Elie de retour parmi les hommes.

Comment Jésus s'est-il positionné dans tout cela ? Comment a-t-il été perçu de son vivant?

2) Jésus s'est-il considéré comme messie ? C'est une question très débattue.

a- Selon les sources, Jésus ne revendique pas publiquement et nettement ce titre de messie, mais il ne le nie pas lorsqu'on le lui propose tout en imposant le silence ( le fameux secret messianique), et semble rejeter la conception davidique c'est-à-dire guerrière et politique.(16).

b- La thèse ici proposée est celle de Laurent GUYENOT membre du "Jesus seminar" américain.(17).

Jésus se serait considéré comme le messie attendu, comme une sorte de second David. Dans la grande tradition juive ,rois et prophètes sont liés. Qui a fait de David le roi des juifs? Le prophète Samuel! Un roi ne peut s'auto- proclamer, il est désigné par Dieu à travers le prophète; ce dernier en signe de reconnaissance va oindre le futur roi. Le roi est celui qui est oint, c'est-à-dire messie, en grec , Christ. Jésus a donc besoin de Jean le Baptiste en qui il reconnaît le prophète attendu, ou plutôt, Elie de retour." C'est lui si vous voulez bien comprendre, l'Elie qui doit revenir. Celui qui a des oreilles, qu'il entende" Mt XI-12.

Jésus reconnaît l'importance de Jean : " Parmi ceux qui sont nés d'une femme, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean.." Mt XI-11-12.

Mais, et c'est là le drame, à l'inverse, Jean n'a pas reconnu Jésus comme le Messie. Pourquoi ? Parce que Jésus ne correspondait pas à la figure que Jean attendait; quelqu'un qui baptiserait par l'esprit et le feu, un personnage dans la tradition apocalyptique.

Jésus a cru en Jean, Jean n'a pas cru en Jésus !

Selon Jésus, Jean a failli à sa mission, il n' a pas accompli son rôle qui était de reconnaître Jésus, pour cela, il est " plus petit que le plus petit dans le Royaume de Dieu" Mt, XI,11.

Lorsqu'une mission constituée de disciples de Jean va questionner Jésus sur son identité, celui-ci répond :" heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi" Mt, XI,6. Le verbe traduit par trébucher se dit en grec "skandaliso"; ce terme est souvent employé dans l'évangile, par exemple en Mt V,29 " si ton oeil droit te scandalise , arrache-le.." Ce verbe scandaliser peut être compris comme chute, occasion de péché. Ici, Jean n'a pas respecté la volonté de Dieu, il n'est pas dans le Royaume, Jean ne sera jamais chrétien.

c-Comment peut-on concilier cette thèse (ici partiellement exposée) avec la figure chrétienne du Baptiste ? en acceptant de déconstruire, pour comprendre sa formation, l' évolution du discours évangélique du rapport Jean/ Jésus notamment à propos du baptême de Jésus. Voir la fiche sur le baptême de Jésus.

Ainsi donc, du vivant de Jean, Jésus ne pouvait pas mettre en pratique sa stratégie messianique au service de son message concernant la venue du Royaume de Dieu. Cette reconnaissance messianique aurait dû permettre à Jésus d'être accepté par le peuple d'Israël tout entier; cette reconnaissance d'Israël était la condition de la venue du Royaume. Les oeillères de Jean ont fait échouer l'opération. Après la mort de Jean, Jésus n'a plus cet espoir, il doit donc changer de stratégie. Nous retrouvons ici la suite de la thèse de L. Guyénot.

3) Jésus : le Roi sans Prophète !

Face à l'impasse de la non- reconnaissance par Jean de sa fonction messianique, Jésus provoqua des situations qu'il pouvait revendiquer ou affirmer comme messianiques. La nouvelle stratégie de Jésus consiste à poser des gestes qui peuvent être considérés comme messianiques.

Parmi ces situations rapportées par les évangiles, nous en retiendrons quatre.

a-Le baptême de Jésus fut vécu et interprété par lui comme une onction messianique, davidique.

La voix céleste qui se fait entendre reprend le verset 7 du Psaume n° 2 :" Tu es mon fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré". La tradition juive considère ce verset comme la marque solennelle de l'intronisation de David par Dieu comme roi -oint ( messie) par l'entremise du prophète Samuel. Ici, Dieu intronise Jésus, mais Jean, le Prophète ne le sait pas ( contrairement aux réécritures de Matthieu et de Jean). Si Jean l'avait su, si Jean avait entendu cette voix céleste, il aurait su que Jésus était le messie, il n'aurait pas quelque temps plus tard envoyé une délégation demander à Jésus qui il était.

Plus tard, peut-être après la mort de Jean, Jésus a pu dévoiler son expérience spirituelle à quelques uns de ses plus proches disciples. Cela ne pouvait être qu'une messianité toute spirituelle, à peine dévoilable, d'où le fameux secret messianique.

b- L'entrée messianique symbolique de Jésus à Jérusalem est un autre de ces gestes, parmi les plus connus.

Cette entrée à Jérusalem fait référence à la prophétie de Zacharie IX,9 " Voici que ton Roi vient à toi, il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse..", elle renvoie également au souvenir littéraire du cortège royal de Salomon ( I Rois, I, 32-40) où l'acclamation par le peuple : " Vive le roi Salomon!" fait partie du rituel d'intronisation. Ici, l'entrée messianique à Jérusalem est accompagnée de la foule des disciples. Les pharisiens, qui apparaissent pour la dernière fois dans l'évangile, ne s'opposent pas à cette prétention messianique mais recommandent la discrétion, mais, cette fois Jésus ne fait pas taire ses disciples.

Les chercheurs situent cette entrée lors de la fête des Tentes ( Soukkot) qui commémore l'errance du peuple juif jadis au désert. A l'occasion de cette fête qui se situe en fin d'automne, chacun construit une cabane avec un toit précaire en palmes que l'on fait venir pour l'occasion. Il semblerait également que les palmes aient un sens politique de libération.

.Ce que chante "la foule" ,à savoir" Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !" est le chant classique de toute procession de pèlerins venant à Jérusalem ( Psaume 118, 26). En passant devant le Temple, un prêtre bénissait le cortège en la personne de son chef. Il n'est pas impossible que nous ayons là une relecture messianique de cette entrée du groupe de pèlerins menés par Jésus, en même temps que d'autres groupes pour la fête, relecture comme ce fut le cas pour le baptême. Ces deux gestes auraient été perçus comme messianiques par Jésus et quelques disciples seulement mais pas par les autres; il n'y aurait donc pas eu de déclaration messianique publique .

c- L'onction à Béthanie

Alors que Jésus était à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux, une femme vint oindre la tête de Jésus avec un flacon de parfum; cela aussi a pu être perçu comme une onction messianique

d- Le geste le plus discuté est le geste contre le Temple.

Ce geste contre le Temple peut être compris de différentes manières:

* au sens moral d'abord en référence à Isaïe 56,7 ( la maison de prières pour les Nations), et à Jérémie 7,11 ( une caverne de bandits). Jésus serait contre la commercialisation de la religion.

* au sens cultuel : Jésus vise le culte sacrificiel, c'est le rite qui est visé, il souhaite un culte plus spirituel (une grande partie de Jérusalem vivait de l'organisation de ce culte).

* au sens messianique enfin . L'action se passe dans l'enceinte du Temple, dans la cour extérieure, sur le parvis des païens où tous se côtoient. Cet espace est un sas de séparation entre le monde pur et le monde impur où l'on change sa monnaie étrangère contre de la monnaie juive. Si cette barrière séparatrice disparaît, le temple perd sa protection, se fond avec la Ville. L'espérance messianique attendait pour la fin des temps la disparition du Temple ,rendu inutile Le geste posé par Jésus est donc une destruction symbolique du Temple ,signe de sa messianité. (18).Avec Jésus -messie, le Royaume de Dieu est déjà là.

La messianité de Jésus demeura purement spirituelle faute d'une reconnaissance possible par l'ensemble du pays, d'un soutien d'Israël en entier; il manquait la condition nécessaire : la reconnaissance et l'onction par le prophète, Jean. l'Église couvrira la situation en affirmant que Jésus a su éviter la tentation satanique d'une messianité terrestre.

Pour le judaïsme, une messianité doit être un événement public, aussi, jusqu'au IIIe siècle encore, certains chrétiens, imbibés de culture juive, attendront le retour de Jésus pour régner manifestement sur le monde. Paul lui-même crut à la Parousie imminente avant la fin de sa vie. Les choses ne changeront qu'avec Constantin ( 306-337). Le christianisme devient alors officiel, le roi est chrétien, on ne peut plus prétendre à la venue de la royauté de Jésus à la place du roi . Il faut changer de discours; avec Augustin, apparaît l'harmonie entre la Cité de Dieu et la Cité des Hommes, et non plus l'opposition, le discours eschatologique ( venue du messie -roi à la fin des temps) est adouci, la rédemption s'opère dans l'univers personnel de l'individu sans modifier le cours de l'histoire des hommes.

Plus tard, avec la royauté française, le monarque est le nouveau David, il a charge ici sur terre d'approcher le Royaume de Dieu, l'Eglise ,elle, s'occupe de l'au-delà. l'Église jouera le rôle du prophète ( l'onction) dans sa relation avec le roi ou l'empereur.

Conclusion

Les recherches sur le Jésus de l'histoire nous mènent à replacer Jésus dans sa judaïté, Jésus fut juif jusqu'au bout, tout comme Jean le Baptiste ne fut pas disciple de Jésus, ne fut pas chrétien. Longtemps après la mort de Jésus, des communautés différentes se réclamant de lui, employèrent des titres différents pour le désigner.Les évangiles conservent des traces de ces traditions diverses ; Jésus est parfois le Prophète annoncé par Moïse : " on vous a dit ( Moïse), moi, je vous dis ..", il est le plus souvent messie, mais dans des acceptations différentes ( guerrière, pacifiste, spirituelle).

La recherche récente distingue 4 phases dans la vie publique de Jésus:

1* Jésus, disciple de Jean. Nous ne savons rien de cette phase, hormis le baptême donné par Jean sur les bords du Jourdain, interprété par Jésus comme signe d'onction messianique.

2*Jésus rival de Jean en Judée. Jésus quitte le groupe de Jean ( motifs de séparation ? sur le rituel du baptême, sur la conception de la venue du Royaume ?), en tout cas, il y eut des tensions entre eux car des disciples de Jean partirent et suivirent Jésus.Les deux groupes baptisent (19). On peut situer ici la délégation envoyée par Jean auprès de Jésus. Jean s'interroge en entendant l'écho de ses actions, mais ces signes ( les aveugles voient, les infirmes marchent..) n'entraînent pas de la part de Jean une reconnaissance messianique.( voir document 7, a) Jésus affirme que malgré sa grandeur, Jean n'entre pas dans le Royaume.

3* Jésus prophète du Royaume en Galilée.

Cette troisième phase commence avec l'arrestation et la mort de Jean; Jésus perd définitivement tout espoir d'être reconnu comme messie, il doit se faire lui-même prophète, pour s'auto-proclamer messie. Il obtient un succès populaire sauf à Nazareth où sa famille le persécute. Pour annoncer le Royaume il choisit tout de même la Galilée, car être galiléen est un gros handicap en Judée. Son message est centré sur le Royaume et non sur son titre, les gens voient en lui un prophète. Il prêche dans les campagnes et non au désert, il n'encourage pas l'ascèse et le jeûne, ne baptise plus depuis son départ de Judée. Malgré ces différences, beaucoup le considèrent comme le continuateur de Jean ( son qualificatif de Nazoréen(20) sur la croix pourrait signifier son appartenance à un mouvement baptiste).

* la 4e phase est celle de Jésus messie.

Cela commence dans la région de Césarée de Philippe ( ville romaine à 30 km au nord de la Galilée) lorsque Pierre reconnaît en lui le messie. A partir de là, tous se dirigent vers Jérusalem pour la Pâque, non pour y mourir, mais dans l'espoir d'y manifester publiquement sa messianité au risque de sa vie. Est-ce un changement de conscience de sa mission ? Non semble t-il, sa conscience messianique serait ancienne mais gardée secrète, Césarée serait un changement de conscience chez quelques disciples, dont Pierre; Pierre placé ici en position de prophète reconnaissant Jésus.

La route vers Jérusalem se fait dans un climat de mélange de joie et de crainte; quelques disciples se disputent pour une place dans le futur royaume, promesse est faite à chacun des douze de régner sur une tribu d'Israël. Jésus a maintenu le plus longtemps possible discrète sa messianité, il l'exprimera par des gestes symboliques et des réinterprétations d'événements comme l'entrée à Jérusalem. Il mourut pour prétention messianique, royale.

Jésus sur la croix prononce quelques dernières paroles avant de mourir; lesquelles ? Les évangiles placent sur sa bouche un Psaume en araméen " Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mc XV, 34. (" Elôï, Elôï, lema sabachtani ?"). Matthieu remplace Elôï , forme en hébreu, par Eli, forme araméenne. Cette parole pourrait être authentique car elle satisfait au critère d'embarras que nous avons défini, mais quel est son sens ? La dernière parole d'un mourant est importante. Certains témoins croient avoir compris Elie ( tiens, il appelle Elie à son secours!) N'oublions pas que s'il y a dans l'évangile un secret messianique, il y a aussi un secret élianique dans Marc, dire que Jean est Elie est aussi entouré de secret. Jésus aurait-il, en dernière parole rappelé son regret de la non-reconnaissance messianique par Jean, ce Jean que lui, il reconnaissait comme Elie, le prophète, celui qui devait l'oindre ?

L'affaire Jésus n'est pas close, il y a place pour la recherche, il y a place pour la foi.

 notes:

1- le docétisme ( le mot vient du grec dokein, sembler) est une doctrine des II et IIIe siècles affirmant d'une manière tellement forte la divinité de Jésus qu'il paraissait impossible qu'il soit homme, il avait seulement revêtu l'apparence d'un homme, il avait par exemple semblé mourir: quelqu'un était mort à sa place, Simon qui porte sa croix par exemple. Dans le Coran, il est affirmé que Jésus n'est pas mis en croix, c'est une illusion ( n'étant pas mort, pour le Coran, il ne peut ressusciter). Cette conception docète se retrouve dans le Nouveau Testament.

2- Ces sources païennes sont passées en revue dans plusieurs ouvrages, le plus facile d'accès est "Jésus-Christ" de Michel QUESNEL, collection Dominos, Flammarion, 1996, 120 pages, aux pages 15-18.

3- les cyniques sont des philosophes, des sages antiques qui pratiquaient la mendicité, rompaient avec leur famille, avaient une attitude publique dérangeante, critiquaient la richesse, l'hypocrisie. La source Q, une des traditions de nos évangiles synoptiques, semble être issue d'une communauté qui concevait Jésus selon ce profil de sages grecs. Cette source n'était pas centrée comme les autres évangiles sur la mort et résurrection.

4- apocryphe signifie caché, non reconnu officiellement par l'Eglise à partir des IIe et IIIe siècles, par opposition au canon, à la liste officielle des livres ( aussi bien de l'Ancien Testament que du Nouveau). Les apocryphes du Nouveau Testament sont en cours de publication, la collection la Pléiade a sorti le T. 1 en 1997 ( 1760 pages).

5- Gnostique. La Gnose est la connaissance. C'est une connaissance révélée seulement à des initiés; cette connaissance particulière sauve, libère celui qui sait. La (ou les) gnose a généralement une conception dualiste du monde: un principe mauvais crée le monde et donc l'homme; celui-ci doit se libérer du monde, mauvais par définition. C'est un refus du Dieu créateur, le refus de l'incarnation. Ces gnoses donneront des hérésies.

6- L'évangile de Thomas est traduit et commenté en français par Jean-Yves LELOUP, dans la collection Spiritualités vivantes, chez Albin Michel, 1988, 254 pages. Ce livre rappelle la découverte du texte à Nag-Hammadi en Egypte en 1945, et explique en quoi ce texte est gnostique.

7- l'âne et le boeuf de nos crèches viennent d'un texte apocryphe: l'évangile du Pseudo-Matthieu XIII-14:" Or, deux jours après la naissance du seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l'enfant dans une crèche, et le boeuf et l'âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci. Alors furent accomplies les paroles du prophète Isaïe disant : " Le boeuf a connu son propriétaire, et l'âne, la crèche de son maître", et ces animaux, tout en l'entourant, l'adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habaquq disant : " Tu te manifesteras au milieu de deux animaux". Et Joseph et Marie, avec l'enfant, demeurèrent au même endroit pendant trois jours."

8- le mot évangile ( la bonne nouvelle) changea de sens progressivement. Pour Jésus, la bonne nouvelle est l'annonce de la venue imminente du Royaume de Dieu, pour les premiers chrétiens, la bonne nouvelle c'est leur foi en Jésus-Christ mort et ressuscité, c'est un discours sur Jésus, puis le mot désignera la mise par écrit de ce discours.

9- Jacques le frère du Seigneur dirigea la communauté chrétienne à Jérusalem de 44 à sa mort vers 62, voir le bon livre de Pierre-Antoine BERNHEIM, " Jacques, le frère de Jésus" collection Noêsis, 386 p, 1996.

10- cf.: Actes XXI, 38.

11- Ac, V, 34-39.

12- Lc IX, 54, cf. document 5, b.

13- les Psaumes de Salomon sont édités dans la collection la Pléiade: la Bible, écrits intertestamentaires, 1987, 1900 p, c'est un apocryphe de l'Ancien Testament.

14- le signe de Jonas : Mt XII, 38.

15- Sur l'attente messianique des Esseniens voir le livre du cinquantenaire; "Qoumrân, et les manuscrits de la Mer Morte", au Cerf, 450 p, 1997 pages 367 à 378., et plus simplement dans la revue "le monde de la Bible, n° 107 sur Qumrân, déc. 1997.

16 Jésus semble avoir rejeté la conception davidique du messie, cf. Marc XII, 35.

17- Laurent GUYENOT, "le roi sans prophète", éditions Pierre d'Angle, 1996, 308 p.

18- une interprétation messianique du geste de Jésus contre le Temple est donnée par Daniel MARGUERAT, professeur à l'université de Lausanne, dans la Revue Connaître la Bible, " Jésus et l'histoire" N° 4 et 5, 1997. édition Lumen Vitae- Bruxelles.

19- cf. Jn- IV, 1-3.

20- Jean en XIX-19, déclare que Pilate fit inscrire comme motif de condamnation de Jésus, la phrase suivante :" Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs". La T.O.B. renvoie à Mt II-23 " Jésus vint à Nazareth.. il sera appelé Nazôréen". En fait ce qualificatif de Nazôréen ne signifie pas habitant de Nazareth ( ce serait peut-être même l'inverse dans la mesure où les fouilles archéologiques entreprises à Nazareth sont muettes sur le premier siècle !) Trois hypothèses étymologiques ont été avancées pour donner l'origine et le sens de ce terme:

* nazir : sanctifié, consacré à Dieu, prédestiné dès le ventre de sa mère.

* natzar, celui qui observe strictement la Loi, orthodoxe

* netzer, le rejeton, comme dans l'arbre de Jéssée. Il y dans ces trois origines toujours l'idée de mission sacrée.

Cela vient peut-être d'un groupe proche des baptistes, les nazôréens, existant avant et après Jésus. En tant qu'ex -compagnon du Baptiste, il aurait peut-être gardé ce surnom. Il semble que ce mot de Nazôréens a servi à désigner les premiers chrétiens ( à l'intérieur du monde juif) à Jérusalem et en Transjordanie, alors que le mot de christianoi , chrétiens( mot péjoratif au départ, désignant les partisans de celui qui est oint, "les pommadés" en quelque sorte) soit utilisé dans la diaspora, à Antioche au départ.

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Dernière modification : 03 janvier 2008