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Bible et Coran


 

 

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BIBLE ET CORAN

 

Bible et Coran sont deux livres considérés comme saints par les religions chrétienne et musulmane. Les chrétiens disent "la sainte Bible", et les musulmans "Le saint Coran" Que signifie le qualificatif saint? Le terme n'est pas à prendre au sens moral, comme on le dirait pour un homme pieux et juste, un saint homme, non, le mot saint a un sens précis dans les langues sémitiques, l'hébreu pour la Bible, l'arabe pour le Coran. Saint en hébreu se dit Qadosh, en arabe "Moquaddass", ce qui signifie séparé, ce qui est distinct de. Ainsi donc, si ces livres, Bible et Coran, sont considérés comme saints, c'est qu'ils sont différents des autres livres, comme mis à part.

A part ,en effet, car ils sont censés exprimer une révélation divine, ce sont des livres saints car révélés. Ces deux livres intéressent les trois religions monothéistes. La Bible concerne les Juifs et les chrétiens, et cela de manière différente, le Coran lui est le livre propre aux musulmans. S'agit-il de trois révélations différentes, ou d'un même processus révélation venu d'un même Dieu ? Et pourquoi ? Le rapport livre -religion est-il le même dans chacun des trois cas de figure ? Peut-on parler de trois religions du livre? Comme le dit l'islam en parlant des "gens du livre" pour désigner Juifs et chrétiens . Finalement ce serait simple, chacun son livre!

Nous allons exposer le point de vue de l'intérieur même de chaque religion pour dire ce que sont la Bible et le Coran. Quelles en sont les approches juive, chrétienne et musulmane ? Mais avant d'aborder ces problèmes de sens, il est nécessaire, même à grands traits de rappeler comment ces livres se présentent, ce qu'ils contiennent . Cet exposé évoquera les deux livres,

·       Dans leur apparence extérieure : comment se présentent la Bible et le Coran, qui les a écrits, et quand ?

·       Dans leur contenu :  que nous disent ces deux livres ?

·       Dans leur signification : comment peut-on les comprendre, les recevoir?

 

 

I-              CE QUE SONT CES DEUX LIVRES:  BIBLE ET CORAN

 

1-    Quoi ? Quel est l'objet de notre réflexion?

 

a-     La Bible La Bible

L'origine du nom est grecque, "ta biblia" signifie "les livres", la Bible, au singulier et avec une majuscule, est donc Le Livre qui contient "ces livres sacrés". Le singulier majuscule désigne l'ensemble textuel, alors que le mot bible avec une minuscule désigne l'ouvrage, le volume dans sa matérialité.

Les chrétiens distinguent l'Ancien testament et le Nouveau Testament - testament est à prendre dans le sens de contrat, d'alliance entre Dieu et les hommes-. L'Ancien Testament seul- ou Premier Testament ,est le texte des Juifs , c'est leur Bible, alors que celle des chrétiens comprend les deux Testaments. Cela fait déjà apparaître deux Bible, celle des Juifs et celle des chrétiens plus volumineuse. La liste des livres pour les deux Testaments a longtemps varié avant d'être fixée et de constituer ce qu'on appelle le canon ( la liste officielle).

la Bible juive la Bible juive

Le canon juif, c'est à dire la liste officielle des livres de leur Bible, est fixé lors de la réunion de Jamna vers 90 de notre ère, à savoir quelques temps après leur grande catastrophe, la destruction du temple de Jérusalem par les Romains en 70. Ils n'ont conservé que les livres écrits en hébreu et répartis dans trois sous ensembles intitulés la Loi, les Prophètes et les Ecrits, soit un ensemble de 39 livres.[1](1)  Les autres livres écrits en grec, en araméen… sont rejetés, ce sont les apocryphes. Cet ordre,  la Loi (Torah), les Prophètes, les Ecrits a du sens. La Tora est le cœur de la révélation faite à Moïse, c'est le "contrat de mariage" passé entre Dieu et Israël, définissant les obligations réciproques des époux, alors que les Prophètes ne sont des rappels, des actualisations, et les Ecrits , soit des compléments, soit des louanges de cette Alliance passée entre Dieu et son peuple.

La Bible chrétienne comprend les deux testaments:

-       l'Ancien testament chrétien l'Ancien testament chrétien

-       Le Nouveau Testament Le Nouveau Testament

Le canon chrétien du Nouveau Testament se fixe progressivement entre la fin du IIe siècle et le IVe siècle. De nombreux textes sont rejetés et forment les apocryphes du Nouveau testament.[4](4)

Il y a, on le voit, une diversité de Bible, il faut donc toujours préciser de quelle Bible l'on parle et non pas déclarer, "La Bible" dit telle ou telle chose! Quelle Bible, celle des Juifs, des catholiques, des protestants, la Bible apocryphe ? A la variété des Bible, correspond également la variété des langues d'écriture, l'hébreu, l'araméen, le grec pour ne citer que les plus courantes. Les orthodoxes ont conservé le grec, les catholiques utilisent une traduction latine- la Vulgate-, traduction due à Saint -Jérôme vers 400. Les protestants utilisent des versions issues de la réforme au XVIe siècle. Il n'y a donc pas une langue sacrée privilégiée. Voilà pour la situation biblique, qu'en est-il pour le Coran ?

 

b-    Le CoranLe Coran

Le texte coranique est plus une prose rimée qu'une poésie à proprement parler. Le nombre des versets, selon les manières de compter est de plus de 6000 - 6236 ou 6616. Ces versets sont très inégaux en taille, puisqu'ils vont de 2 à 3 mots pour les plus brefs, jusqu'à une page, c'est le cas du verset n° 282 de la sourate II.

Une sourate ne constitue pas un texte homogène, ce qui est déroutant pour un esprit occidental cartésien. Chacune est un ensemble composite où brutalement, d'un verset à l'autre, on change parfois de sujet, ce qui pose le problème de sa composition. Chaque sourate a un titre certes, mais ce dernier n'a qu'un rapport partiel avec le contenu du chapitre, ce titre n'est qu'un simple repérage [6](6). Cet absence d'ordre apparent rend difficile la lecture suivie du Coran.

Chaque sourate, sauf la sourate n° 9, commence par une formule  rituelle d'invocation, la b’ism’allah [7](7):" Au nom de Dieu, celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux".

La première sourate est à part, c'est la Liminaire, la Fatiha.[8](8) Son contenu est tel qu'elle pourrait être aussi bien lue par un chrétien ou un Juif sans rencontrer de  problème de doctrine.

 

Le Coran est le même pour tous les musulmans, ainsi, il y a un seul Coran ( le thème de l'unité est fondamental en islam) face à une diversité de Bible.

 Des Bible, un Coran, voilà pour l'aspect matériel des choses !

 

 

 

2-    QUI ? Qui a écrit la Bible ? Qui a écrit le Coran? Vastes et complexes questions, auxquelles nous allons essayer de répondre sommairement.

a-    La Bible:

·       l'Ancien Testament. Autrefois, la réponse à la question de l'auteur était très simple: c'était Dieu ! Puis en affinant un peu, nous avons eu un certain nombre d'auteurs inspirés par Dieu : Samuel pour le Livre des Juges, Josué pour le livre du même nom et enfin, Moïse pour l'ensemble de la Torah - ou Pentateuque. Le premier penseur a introduire le doute fut Spinoza, un philosophe juif du XVIIe siècle. Comment , se disait-il, Moïse peut-il être l'auteur d'un texte qui raconte sa mort ? Pourquoi la Bible, œuvre de Dieu, comporte t-elle des erreurs et est-elle sans ordre ?[9](9) Ce souci d'histoire, de rationalité va mener progressivement à l'exégèse historico-critique. Arriver à penser la Bible comme produit de l'histoire, donc écrite par des hommes témoins d'une époque. Cette approche désacralisée n'a pas été sans heurts, l'Eglise catholique a réagi:

-     d'abord contre - c'est la crise moderniste avec le pape Pie X en 1907 qui condamne cette attitude,

-      

-      

La recherche a montré que ces textes de l'Ancien Testament ont plusieurs auteurs, que ces derniers ont cherché à exprimer le point de vue de leur communauté, de leur groupe social, par exemple tel ou tel livre émane du clergé juif, ou de Juifs de cour, c'est le cas du livre de Daniel, du livre de Qohéleth (l'auteur est Jésus Ben Sirach, un scribe, un spécialiste de l'écriture qui enseigne la sagesse, l'art de vivre en lien avec l'obéissance à Dieu)… Ces auteurs, anonymes certainement à tout jamais, étaient alors des écrivains que l'on qualifierait aujourd'hui de politiquement engagés. La plupart des livres de l'Ancien Testament ont eu plusieurs auteurs, cela se voit aux nombreuses strates de rédaction qui apparaissent lors d'une étude critique. [11](11)

·       Le Nouveau Testament. Jésus n'a rien écrit, ces textes sont le fruit de ses disciples, des premiers chrétiens. Ces 27 livres ont de nombreux auteurs dont certains sont connus, c'est le cas de Paul, de Luc, le premier a écrit de nombreuses lettres, le second, un évangile et les Actes des apôtres. Paul était un lettré juif converti au christianisme, il fonda de nombreuses communautés chrétiennes dans les pays méditerranéens ce qui l'obligeait à écrire régulièrement à ses fondations pour les conseiller, voire trancher les conflits. Des 13 lettres de Paul réunies dans le Nouveau Testament, toutes en fait ne sont pas écrites par lui, c'est ce qu'on appelle les lettres deutéropauliniennes.[12](12) Ce procédé de pseudépigraphie était assez courant dans l'antiquité païenne, cela consiste à placer sous le patronage d'un personnage connu son propre écrit. Il ne faut pas juger avec nos critères de contemporains. Il ne s'agit pas de faux, mais l'auteur, proche de la pensée de son maître, ici Paul, pense bien faire en lui attribuant la paternité de l'écrit, cela donne du poids.

Nous ne pouvons pas dans le cadre de cet exposé passer en revue tous les autres cas d'auteurs du Nouveau Testament. Sachez que pour la plupart des livres, nous avons la même situation que pour l'Ancien testament, plusieurs auteurs, sur un temps long ,ont écrit et remanié ces textes. Rapidement une brève indication sur le quatrième évangile, selon saint Jean. La tradition chrétienne depuis Irénée de Lyon l'attribue à l'apôtre Jean ,fils de Zébédée. On s'aperçoit que ce Jean compagnon de Jésus, est certainement mort martyr assez tôt, et ne peut donc pas avoir écrit un texte en fin de premier siècle. Le rédacteur de l'évangile de Jean est certainement un chrétien de la deuxième, voire troisième génération et absolument pas un témoin oculaire [13](13).

Ainsi, l'on peut affirmer que le Nouveau Testament a eu un très grand nombre de rédacteurs dont un petit nombre seulement est connu. Ces auteurs sont les témoins de leurs communautés.

 

b-    Qui a écrit le Coran ? Ce n'est pas Mahomet, il ne savait ni lire ni écrire selon la tradition. L'islam affirme que Mahomet reçoit une révélation et simplement la transmet. Il n'est que l'instrument, l'auteur, la source, c'est Dieu ! Dieu révèle par l'intermédiaire d'une créature céleste - plus tard identifiée à l'ange Gabriel-. Le Coran, texte de la révélation, descend sur le Prophète Mahomet, il est parole de Dieu. Au-delà de ces affirmations musulmanes, nous pouvons légitimement distinguer cette révélation de la rédaction proprement dite du texte coranique tel qu'il est aujourd'hui.

A l'époque de Mahomet, la civilisation arabe [14](14) est une civilisation de l'oralité, on se méfie de l'écrit - l'inverse de notre époque où l'on se méfie de l'oral, parce que nous sommes une civilisation de l'écrit. Les unités de révélation arrivent à Mahomet par bribes plus ou moins longues et sous différentes formes- voix, songe … ., elles sont transmises aux proches ou dictées à des secrétaires pour être mises par écrit d'une manière sommaire et partielle sur des supports aussi fragiles que des omoplates de chameaux, des morceaux de cuirs ou des tessons de poterie. Ce besoin de mise par écrit ne se manifeste qu'à Médine, c'est-à-dire après 622 et d'une manière épisodique selon la ferveur personnelle de tel ou tel compagnon à l'égard de quelques textes jugés primordiaux.[15](15). L'essentiel n'était pas alors l'écrit, la révélation était retenue par cœur par les compagnons du Prophète( les houffaz ou mémorisateurs-récitateurs) mais dans un ordre encore incertain, que nous ne connaissons plus.

 A la mort du Prophète, il n'y a donc pas un livre qui s'appelle le Coran, mais une révélation aux contours encore imprécis, avec une certaine diversité du texte retenu; en effet, chaque compagnon enseigne le texte qu'il connaît, et ce qu'il connaît diffère parfois d'un souvenir à l'autre. Une des raisons tient à la langue arabe non encore totalement fixée, certains mots peuvent être lus et donc compris de plusieurs façons,[16](16) le Prophète lui-même semble t-il a pu enseigner plusieurs variantes. Ces premiers écrits sont donc rudimentaires, partiels et souvent divergents.

Les premiers  successeurs de Mahomet, les califes, sentirent le besoin de mettre de l'ordre dans cette révélation héritée dans le désordre. C'est le 3e calife surtout, Uthman ( 644- 656) qui intervient. Après une certaine concertation avec les compagnons du prophète encore en vie, il impose et universalise sa version du Coran , afin d'harmoniser, de purifier, de classer. Indéniablement, des choix ont été fait, des versets ont disparu, des classements différents sont intervenus. Un pouvoir politique n'intervient jamais de manière neutre et désintéressée! [17](17).

 

 

Le Coran est donc écrit et mis en forme par des secrétaires d'après :

les données du Prophète qui reçoit la révélation,

les différentes compréhensions et mémorisations des compagnons,

des choix politico-religieux opérés par le calife Uthman.

 Plusieurs personnes ont mis la main à la pâte!

 

 

 Peut-on dire, avec précaution bien sûr, que Mahomet est derrière l'essentiel du texte du Coran, un peu plus que Jésus ne l'est derrière les évangiles ? En tout cas, l'un et l'autre ne sont pas les rédacteurs des textes, Bible et Coran.

 

3-    Quand ?

a-    L'Ancien Testament. L'ordre des textes dans nos bibles actuelles n'est pas l'ordre de leur rédaction. Une mise par écrit nécessite comme condition première, un niveau de conscience et de besoin de le faire. Nous pouvons de ce point de vue déterminer deux périodes d'écriture:

-      

-      

 

Ainsi, l'essentiel de la Bible juive, de l'Ancien Testament, est écrit  aux VIe, Ve siècles, sachant que l'ensemble court sur une période longue allant du Xe siècle au IIIe siècle av. J.-C. Si l'on considère l'Ancien Testament des chrétiens, les 47 livres ont été rédigés sur presque 10 siècles " des premiers écrits à la cour de David et de Salomon, jusqu'au livre de la Sagesse composé à Alexandrie quelques décennies avant notre ère" [18](18).

Ces textes ont donc été rédigés sur un temps long pendant lequel les conditions culturelles, les interrogations et réponses humaines ont évolué considérablement. L'idée de résurrection par exemple se développe en cours de période rédactionnelle.

 

b-    Le Nouveau Testament Le Nouveau Testament

 Les plus vieux textes de l'Ancien Testament figurent dans les textes de Qumran, d'avant Jésus-Christ.

 

c-     Le Coranc-    

 Les dernières fixations du texte coranique ne sont effectuées qu'en 934 ( 322 de l'ère hégirienne)[20](20). A cette date ont été codifiées quelques variantes de lecture[21] (21).

 

Ainsi, l'on peut dire qu'il a fallu trois siècles pour stabiliser le texte coranique et obtenir le livre que nous avons aujourd'hui, mais en fait, une ou deux générations après Mahomet, le texte est prêt pour l'essentiel.. Etant donné les incertitudes et la progressivité d' écriture, nous pouvons considérer que le Nouveau Testament et le Coran ont été assez vite produits après la mort et de Jésus et de Mahomet.

 

Pour nous résumer brièvement, la Bible est écrite avant J.-C. - Xe-Ie siècles pour l'Ancien Testament, entre 50 et 125 ap. J.-C. pour le Nouveau testament, et fin VII e siècle pour le Coran. Donc des époques fort différentes, dans des lieux distincts mais pour une grande part au Proche-Orient.

 

 

II-  QUE NOUS DISENT LA BIBLE ET LE CORAN ?    Les contenus.

 

A la différence de la Bible, le Coran comporte peu de récits suivis, d'où une difficulté certaine pour les occidentaux d'en faire une lecture en continu. C'est la raison pour laquelle nous optons ici, dans cette analyse sommaire des contenus, pour une approche thématique.

 

1-    Une même conception  globale de Dieu et de l'homme.

 

a-    Dieu. Bible et Coran affirment le monothéisme:

 

-       Dans la BibleDans la Bible

" Ecoute, Israël! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN"

Dans le Nouveau Testament, Marc XII, 29, ce verset est rappelé sous cette forme :

A la question des intellectuels d'alors " Quel est le premier des commandements ?, Jésus répondit . Le premier, c'est : "Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur". Le scribe répondit : " Très bien, Maître, tu as dit vrai : il est unique et il n'y en a pas d'autre que lui."

-      

" Dis:

"Lui, Dieu est Un!

Dieu!..

L'impénétrable!". Le message central est sur ce point identique, un seul Dieu!

·       Quel est le nom de ce Dieu Unique ?

-       Dans la BibleDans la Bible

-      

-      

-       Dans le Coran, Allah, n'est pas un nom propre contrairement à ce que l'on lit parfois, ce mot signifie seulement dieu. Le Coran donne des qualificatifs, mais jamais le nom propre de Dieu, déclaré ineffable. Il y a un tel écart entre Dieu et les hommes, que ces derniers ne peuvent accéder à ce nom. La tradition a fixé à 99 la liste des plus beaux noms de Dieu     ( le Bienfaiteur, le Miséricordieux, le Saint, le Créateur…) Ces noms se récitent à l'aide d'un petit chapelet de 3 fois 33 grains - le subha. Ces noms le révèlent, comme acteur, mais le cachent à la fois dans son mystère.[23](23)

b-    Dieu est le créateur, de l'univers et de l'homme à qui il donne une loi. Ce point commun, d'apparence banal, a besoin d'être rappelé, tous les livres sacrés des différentes religions ne l'affirment pas, c'est le cas du bouddhisme par exemple.

Il se révèle, et révèle sa Loi. Cette révélation se fait par une chaîne de prophètes, dont le nombre est plus important dans le Coran.. Dans la Bible comme dans le Coran, le prophète, le "nabi" - c'est le même mot, est celui qui annonce un message aux hommes de la part de Dieu. Le Coran distingue l'envoyé- rasul- du simple prophète. L'envoyé, comme Mahomet, est chargé d'apporter aux hommes une Loi, un livre. Il n'y a pas dans le Coran de récit suivi de la prophétie apportée jadis aux Juifs, mais 5 noms se dégagent : Noé, Abraham, Moïse, Jésus, Muhammad. On le voit, la liste ne correspond pas à celle de la Bible, mais l'idée est la même [24](24). La révélation faite à Mahomet confirme les révélations bibliques mais les rectifie partiellement car celles-ci ont été en partie falsifiées par les hommes. Le Coran est un rappel, il se présente lui-même en ces termes.

L'essentiel de la loi morale biblique, les dix commandements reçus par Moïse, est confirmé par le Coran. ( voir la Sourate XVII- 22-39.) Ne pas tuer, s'occuper de ses parents, des pauvres, n'adorer que Dieu… telle est la voie à suivre dans la Bible comme dans le Coran. Le bien et le mal ne sont pas des décisions d'hommes, seul Dieu sait ce qui est bon.

A celui qui douterait, le Coran affirme qu'il doit faire fonctionner sa raison, et que s'il réfléchit, les signes lui apparaîtront comme évidents . Le même mot, "ayat" signifie à la fois signe et verset ( du Coran) Dans l'évangile, ce sont les miracles de Jésus qui sont des signes. Dans Marc IV, 12, Jésus dit" Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende!" dans la Bible comme dans le Coran, la parole de Dieu est censée faire réfléchir celui qui l'écoute et ainsi le faire adhérer.

Selon cette loi morale, les actes ne valent que par l'intention : Coran S. III, 5.Cf l'Evangile selon Mt: XII, 37. Et Mt V, 27.

c-     La rétribution finale, après le jugement de Dieu, sera l'enfer ou le paradis. Bible et Coran affirment la résurrection de l'homme à la fin des temps.[25](25).

 

 

2-    Mais une divergence fondamentale sur Jésus et donc sur Dieu.

 

Jésus Jésus

a-    des convergences.

·       une naissance mystérieuse. L'évangile et le Coran ont le même discours : Jésus est né de la Vierge Marie - Myriam en arabe-, par l'action de l'esprit saint, c'est-à-dire de Dieu. Il est intéressant de comparer les récits d'annonciation et de nativité. Dans les deux cas, un ange annonce à Marie qu'elle aura un fils sous l'effet" du souffle de Dieu", de son esprit. Comparer le récit de l'évangile selon Luc I, 26-38 et les passages suivants du Coran Sourate XIX, 17-33, ainsi que III, 42 - le Coran n'a pas de récit aussi suivi que l'évangile, les données sur Jésus sont assez disparates.

·       La question qui se pose bien évidemment, est celle du lien entre les textes. Pour un musulman, la réponse est claire, ce qui est dit de Jésus est issu de la révélation faite à Mahomet, c'est-à-dire de la vérité rétablie, il ne saurait être question d'un quelconque emprunt aux évangiles. Pour les chrétiens, il y a peut être inspiration divine mais surtout une forte dépendance à l'égard des évangiles de l'enfance et entre autres d'évangiles apocryphes qui circulaient à l'époque de Mahomet et dont il aurait eu connaissance.[26](26) Des Juifs et des chrétiens étaient établis dans la péninsule arabique, Mahomet les fréquentait.

·       Jésus est ainsi par sa naissance mis à part, il est un être exceptionnel qui accomplit des miracles, guérit l'aveugle né, le lépreux, ressuscite des morts. Jésus annonce la Bonne Nouvelle, l'Evangile, il confirme la Torah, il a des disciples que l'on appelle aussi apôtres dans le Coran, il constate l'incrédulité des Juifs. Jésus est dans les deux textes, le Messie, mais, ce vocabulaire n'a pas toujours le même sens dans l'évangile et dans le Coran [27](27).

b-    des divergences fondamentales.

·       Alors que dans l'évangile, Jésus annonce à plusieurs reprises sa mort prochaine et sa résurrection, dans le Coran, il échappe à la mort. Ainsi si Jésus ne meurt pas, il ne peut être ressuscité. Selon la tradition musulmane, un sosie fut mis à sa place par Dieu. Dieu ne pouvait laisser mourir cet être d'exception.[28](28).

 Il n'y a pas dans le Coran ce problème du scandale de la croix auquel se sont heurtés les premiers chrétiens.

·        Il est simplement enlevé au ciel - comme dans la tradition biblique pour des personnages comme Elie-, et il reviendra à la fin des temps, alors il pourra mourir et ressusciter lors de la résurrection finale de tous les êtres au dernier jour [29](29).

·       Jésus dans le Coran est le  Fils de Marie, le Messie, le prophète , l'Envoyé, le plus saint de tous, mais en aucun cas il n'est divin, Marie n'est pas mère de Dieu . Sourate V, 17 ". Jésus n'est pas rédempteur, il n'y a pas d'incarnation, Jésus n'est pas fils de Dieu. Dans le Coran Jésus est prophète. Jésus est un exemple à suivre pour son obéissance à la volonté divine, il est chargé de rappeler le pur monothéisme, d'annoncer Mahomet comme dernier des prophètes [30](30).. Jésus est le plus saint des prophètes, Mahomet est le sceau des prophètes, c'est-à-dire le dernier. Il n'est pas Dieu, s'il accomplit des miracles, c'est que Dieu agit en lui, ce n'est pas un signe de sa divinité. La trinité chrétienne est niée: Sourate IV, 171:       " Croyez donc en Dieu et en ses prophètes. Ne dites pas "Trois".

·       Dans l'évangile, comment est présenté Jésus ? La réponse n'est pas simple mais est embrouillée par le fait que la formulation que nous avons est généralement celle des grands conciles du Ve siècle et non celle des textes bibliques. Dans les textes, on s'interroge sur Jésus, il n'est pas dit clairement qu'il est Dieu. Jésus lui-même pose cette question à ses apôtres " Et pour vous, qui suis-je ?". Prenons garde ici de ne pas opposer deux théologies différentes, celle du christianisme et celle de l'islam, dans leur globalité, mais d'en rester aux deux textes, Bible et Coran. La conception chrétienne d'un Jésus vrai Dieu et vrai homme est tardive, elle s'est élaborée lors de discussions très dures, certaines communautés chrétiennes n'ont pas accepté ce dogme de l'Eglise et ont été qualifiées d'hérétiques. Des échos de ces querelles étaient connus en Arabie.

·       Ainsi, au-delà d'un semblable monothéisme de principe, commun à la Bible et au Coran, où Juifs, chrétiens et musulmans se retrouvent, une divergence forte s'installe entre le Nouveau testament et le Coran. La conception de Dieu est finalement différente. Le Coran rejette l'incarnation, Dieu n'a pas de Fils S.IV,171 "A Dieu ne plaise d'avoir un enfant", S.CXII-3:" Il n'engendre pas et n'est pas engendré". Un homme même crée miraculeusement par Dieu ne peut être Dieu. Le Coran s'oppose donc à toute la théologie chrétienne de la rédemption : Dieu qui par amour livre son fils afin de racheter les hommes du péché [31](31). Attention, la Trinité n'est pas, comme telle, présente dans le texte biblique du Nouveau Testament, elle n' y est qu'en germe, c'est la théologie chrétienne qui progressivement la mettra au point dans les premiers siècles lors des grands conciles [32](32).

·       Ainsi, dans le Coran Jésus et sa mère Marie sont vénérés, mais ils ne font pas l'objet d'un culte.

 

3-Dans la Bible et le Coran, des situations-problèmes : des contradictions internes

 

a-    Le texte biblique présente parfois des contradictions entre différents passages relatifs à un même événement. Trois exemples connus dans le Nouveau testament serviront notre propos.

·       De son vivant, le Jésus historique a t-il adressé son message aux seuls Juifs ou était-ce un message universel adressé à tous les hommes ? [33](33).

·       La chronologie de la Passion du Christ est différente selon les évangiles synoptiques et Saint-Jean, par exemple, la Cène est-elle le "jour où l'on sacrifiait la Pâque", ou Jésus est-il mort la veille de la Pâque ( Jean)? [34](34).

·       Les apparitions de Jésus ressuscité. Si les textes sont unanimes pour dire qu'il est apparu vivant, ils sont incompatibles entre eux quant aux lieux ( Jérusalem, Galilée, route d'Emmaüs) quant aux bénéficiaires et aux paroles échangées. Les divergences empêchent toute tentative de reconstitution des faits [35](35).

 

b-    Les contradictions internes au Coran sont assez nombreuses, nous en soulignerons ici quelques unes à propos de trois thèmes: [36](36)

·       Y a t-il chez l'homme musulman une liberté de conscience ?

Versets favorables:

S.II,26:"Pas de contrainte en religion!"

S.X, 99-100 " Si ton Seigneur l'avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants, alors qu'il n'appartient à personne de croire sans la permission de Dieu ?".

Versets contre:

S. IX, 5: " Tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez… mais s'ils se repentent, s'ils s'acquittent de la prière.. laissez-les libres."

·        Libre arbitre humain ou prédestination ?

Versets favorables au libre arbitre:

S.XL, 17:" Tout homme, ce Jour-là, sera rétribué pour ce qu'il aura accompli."

S. XIII, 11: "Dieu ne change l'état d'un peuple que si celui-ci change ce qui est en lui".

S.V, 105:" O vous qui croyez! Vous êtes responsables de vous mêmes".

Versets affirmant la prédestination:

S. XXXVII, 96: " Dieu vous a créées ainsi que vos actes".

S. LXXVI, 30: " Vous ne le voudrez que si Dieu le veut". Cf aussi LXXXI, 29. ( votre volonté dépend de la volonté de Dieu ).

·       A propos de la condition féminine

Sens d'une égalité des sexes

S.IX, 71:" Les croyants et les croyantes sont  amis  les uns des autres, ils ordonnent ce qui est convenable, ils interdisent ce qui est blâmable".

Sens d'une discrimination sexuelle

S.IV, 34:" Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles, et à cause des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien."

Polygamie ou monogamie ?

S.IV, 3: " Epousez, selon ce qui vous grée, une, deux, trois ou quatre femmes; mais si vous craignez de ne pas être équitable entre les quatre, n'en épousez qu'une seule".

S.IV, 135:" Vous ne saurez être équitables entre les femmes même si vous vous efforcez de l'être".

 

Ces versets contradictoires sont utilisés par tel ou tel mouvement musulman pour justifier ses points de vue, mais au-delà se pose la question du pourquoi de ces contradictions ?

 

 

III-          LE SENS DES TEXTES DANS LA BIBLE ET LE CORAN .

 

 Le sens est-il donné directement par la révélation, doit-on et  comment, interpréter le texte révélé, comment lui donner un sens pour les hommes contemporains? Plusieurs attitudes, tant face à la Bible qu'au Coran, doivent être prises en compte .

 

1-Le problèmes des attitudes fondamentalistes.

Le fondamentalisme doit être distingué d'une autre notion souvent utilisée, l'intégrisme.

 

a-    le sens de ces termes souvent confondus:

-       le mot fondamentalisme le mot fondamentalisme

-       Le mot intégriste vient également de milieux chrétiens et s'applique à tout rejet des nouveautés en matière religieuse, tout rejet d'adaptation à la modernité. L'intégrisme est une attitude figée dans un passé idéalisé, le rêve d'un âge d'or. Ce mouvement touche toutes les religions, le catholicisme, mais aussi le judaïsme et l'islam.

b-    dans le christianisme, ces attitudes dans le christianisme, ces attitudes

-      

-      

-      

c-     l'islam n'est travaillé par les courants fondamentalistes que depuis le XXe l'islam n'est travaillé par les courants fondamentalistes que depuis le XXe

Sans aller jusqu'à ces extrêmes, un autre exemple est lui aussi souvent pris au pied de la lettre, il s'agit d'un verset énigmatique du Coran qui évoque le célèbre voyage nocturne de Mahomet de la Mecque à Jérusalem ( S. XVII, 1). Cet épisode de la vie du prophète, assez tardif,[39](39) n'est pas la plupart du temps considéré comme un voyage mystique mais comme un fait mystérieux certes mais réel et concret.

Les fondamentalistes prennent également pour parole éternelle des textes de circonstance. Il est dit à la Sourate II, 228: " Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations et conformément à l'usage". L'usage, les coutumes d'une époque, d'un peuple, se trouvent ici figés et sacralisés de façon universelle. Peut-on prendre au pied de la lettre la codification de la vendetta qui se trouve dans le Coran ? S. XVII, 33 :" Lorsqu'un homme est tué injustement, nous donnons à son proche parent le pouvoir de le venger. Que celui-ci ne commette pas d'excès dans le meurtre, oui, il sera secouru".

 

Les lectures fondamentalistes de la Bible et du Coran sont une réalité, les voix pour les condamner sont de plus en plus nombreuses et c'est heureux, mais le combat n'est pas encore gagné. C'est ainsi que se pose à nous cette délicate question de la nature des textes et du sens à  leur donner.

 

2-    Comment la majorité des croyants comprend t-elle la révélation ? Telle est la question qu'il faut se poser de l'intérieur de chaque religion.

 

Révéler signifie lever le voile sur quelque chose de caché, seul Dieu dans les trois religions monothéistes, celui qui sait , peut prendre cette initiative, mais comment et dans quelles conditions ?

a-    Dans la Bible pour les Juifs, Dieu cherche à communiquer avec les hommes par son Esprit Saint, son "Souffle". Le message est adressé à des hommes particuliers, les prophètes. Le prophète n'est pas tellement celui qui dévoile l'avenir, mais l'homme qui parle pour Dieu. Dieu révèle, et se révèle, il donne son nom, c'est le fameux tétragramme, les 4 lettres YHWH que l'on vocalise en Yaweh ou Jéhovah. A Moïse, Dieu dicte ses décisions, sa Loi, ce sont les 10 commandements. Pour les Juifs, la révélation a une double forme: la Loi est écrite, certes, mais elle est également orale. On parle de Torah écrite et de Torah orale. Cette Loi orale, c'est-à-dire l'ensemble des commentaires des rabbins, est voulue par Dieu, autorisée par lui. La Loi orale a été finalement mise par écrit, c'est le Talmud .Tous les livres bibliques n'ont pas le même poids dans la révélation , la Torah, ou Loi, domine les deux autres ensembles, les Prophètes et les Ecrits. La prophétie pour les Juifs s'arrête avec le prophète Malachie vers 460 av. J.-C..

Les mots du texte sont-ils directement d'origine divine, ou bien sont-ce seulement les idées, l'esprit du message ? Il y a des théologiens juifs pour soutenir les deux considérations. La plupart du temps la révélation est comprise comme l'incarnation de la parole divine en langage humain limité. Tout se trouve dans le texte, aucun mot, aucun détail n'est inutile

b- Le christianisme b- Le christianisme

Ainsi, si en liturgie  la formule "Bible parole de Dieu" est toujours d'actualité, la réflexion critique dit plutôt, "Bible , parole d'hommes et inspiration divine". Dieu respecte la liberté intellectuelle du prophète inspiré, lequel écrit avec les mots de son temps et de sa culture. Pour prendre une image, Dieu serait le directeur de collection de l'ouvrage Bible où chaque écrivain rédige sa partie en harmonie globale avec les autres. Cette conception de la révélation autorise l'exégèse historico-critique, une lecture autre que celle des fondamentalistes.[41](41)

c- Pour les musulmans, le Coran est rappel du seul et constant message de Dieu aux hommes. Ce monothéisme est le même depuis Adam, depuis Moïse, mais il doit être redéfini face aux dérives des hommes. On traduit souvent Coran par récitation, proclamation. Ce texte serait la parole même de Dieu dictée à Mahomet par l'intermédiaire de l'ange Gabriel : le Coran comme parole de Dieu au sens fort, c'est à dire Dieu comme parole. Si incarnation il y a en islam c'est celle ci. Le Coran est la copie d'un livre , d'un original céleste: S. III, 7:" C'est lui qui a fait descendre sur toi le Livre". Pour la plupart  des musulmans, le Coran est la parole incréée de Dieu, c'est-  Dieu même. Le Coran est pour l'islam, l'équivalent de Jésus-Christ dans le christianisme. L'expression gens du Livre pour désigner les chrétiens et les musulmans ensemble est donc fausse, inadéquate. Nous avons les correspondances suivantes:

 

 christianismeislam
Le monde incréé ( divin)-Dieu

-Jésus-Christ

-       Dieu

-       Le Coran

Le monde créé ( non divin)- le texte biblique- Mahomet

 

       Cette conception sacralise le Coran, mais désacralise le texte biblique comme l'homme Mahomet : S. XVII, 93 :" Qui suis-je ? dit Mahomet ? sinon un simple mortel, un prophète ?". Un musulman n'applique pas la méthode historico-critique à son texte, un exemplaire même du Coran n'est manipulé qu'en état de pureté rituelle :S.LVI,79:" Ceux qui sont purs peuvent seuls le toucher". Par contre, l'original, "le Kitab" c'est-à-dire l'Ecrit qui est auprès de Dieu, seuls Dieu en personne et ses anges y accèdent . Alors ce Coran est-il authentique ?[42](42). N'y a t-il pas confusion entre le Coran ( la récitation) avec l'original (l'Ecrit) ? La conformité n'est pas l'identité littérale.  Seul l'archétype du Coran, "Umm al-Kitab", la "Mère du Livre" inscrit sur une "table gardée" signifie l'éternité et l'immutabilité de la Parole divine. Ainsi, certains musulmans, comme les Ibadites, n'adhèrent pas à la conception d'un Coran incréé [43](43).

Ainsi donc, les trois monothéismes ont de nos jours des positions diverses quant à la conception de la révélation. Faut-il prendre cette parole de Dieu à la lettre ou ne retenir que l'idée inspirée  et écrite avec les mots d'une culture, selon des genres littéraires?

 La question est ouverte parmi les fidèles , leur type de rapport aux textes en découle.

 

 

3-    Comment comprendre les contradictions des textes ? Quelle est la réponse des religions ?

a-    Si Dieu a créé l'homme, il l'a créé comme un être doué de raison. Ne pas se servir de sa raison c'est offenser Dieu. La raison humaine doit être mise au service de la compréhension des textes révélés:

-      

-      

Dans les deux cas, que faut-il comprendre ?

 

b-    Que le texte inspiré est écrit dans une culture humaine avec ses mots, ses images, sa conception du temps, sa langue et ses concepts, c'est-à-dire ses limites. Ainsi compris, chacun doit pouvoir distinguer dans le texte ce qui est écrit pour les circonstances de l'époque de rédaction, et ce qui peut-être de portée universelle.

Chaque langue a ses propres notions, riches mais différentes, les linguistes savent très bien que traduire c'est d'une certaine manière trahir. Pour la Bible, l'exemple le plus connu est l'annonce d'un sauveur. En hébreu, dans le Livre d'Isaïe - VII,14 on peut lire " Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel". La traduction grecque de la Bible, la Septante,[46](46) emploie le mot "parthenos", la vierge à la place de l'hébreu "alma", la jeune femme. Les premiers chrétiens qui utilisent la version grecque y voient l'annonce de la conception virginale de Jésus.( Mt, I-23).

c-     Que si les textes évangéliques divergent parfois, c'est que chacun est une écriture différente, une construction de sens particulière, un projet théologique singulierc-    

 

Les textes bibliques ne peuvent être véritablement compris que si l'on a conscience de leur nature, l'erreur consiste précisément à mélanger les genres, en l'occurrence ici à prendre pour fait historique ce qui est sens théologique, à historiciser la théologie; c'est ce qui a donné autrefois les "histoires saintes".

 

d-    Comment les musulmans rendent-ils compte des contradictions internes au Coran ?

 

·       Comme souvent, c'est le texte lui-même qui nous donne la solution: la sourate III-7 déclare clairement qu'on y trouve des versets clairs et des versets équivoques. Les versets clairs -"muhkamat" sont immuables, les versets équivoques, ambigus - "mutasabihat" nécessitent des explications et donc donnent lieu à des interprétations possibles, à des discussions.

 

Le Coran ne dit pas quels sont ces versets, clairs ou équivoques, mais justifie le fait que certains musulmans peuvent se trouver dans l'erreur." Seul Dieu connaît l'interprétation du Livre". Seuls les hommes "bien guidés" peuvent interpréter correctement le Coran.  

 

·       Très tôt les chercheurs musulmans ont émis la théorie de l'abrogation [47](47) pour rendre compte des contradictions actuelles du texte. Le Coran comporte des versets abrogeants et des versets abrogés. Certains versets en annulent d'autres, toujours présents dans le texte, récités mais non applicables. S.II- 106:" Nous n'abrogeons aucun verset de ce livre, ni n'en ferons effacer un seul de ta mémoire sans le remplacer par un autre meilleur ou pareil". C'est ce que Dieu dit à Mahomet .Pour savoir ce qui remplace quoi, il est indispensable de replacer tous les versets dans une chronologique de la révélation. Quels sont les anciens versets supprimés, quels sont les derniers qui remplacent ? Là non plus, le texte ne le dit pas. Il est difficile de reconstituer une chronologie précise des fragments de textes révélés d'abord à la Mecque puis à Médine, sur 23 ans !

·       La question que l'on se pose également est celle de l'orientation donnée par ces changements de révélations ? De nombreuses recherches montrent que beaucoup de versets plus récents sont plus durs que les anciens. Comment expliquer cela ? Victorieux, Mahomet peut affirmer son autorité ?, Ou est-ce le processus d'une pédagogie progressive qui permet par touche d'affirmer les exigences divines ? Si nous prenons l'exemple de l'interdiction de consommer de l'alcool , nous notons une progression dans le Coran, de quelque chose de déconseillé à l'interdit pur et simple. [48](48)

·       Alors comment s'en sortir ? Le Mufti de Marseille, Soleib Bencheikh propose de prendre en compte le mouvement de l'abrogation plus que l'état du texte coranique arrêté dans son élan à la mort du prophète. La position est intéressante mais difficile à tenir. En tout cas, c'est le devoir de tout musulman que d'exercer ses facultés de raison et de ne pas s'en remettre aveuglément à d'autres, fusse à une caste de savants, les Ulémas. L'individu seul est responsable.

 

*****

 

Nous avons constaté que la Bible et le Coran, considérés par les trois monothéismes comme des livres révélés, sont difficiles d'accès. Toute approche, croyante comme culturelle nécessite une préparation, un accompagnement, sinon, le danger fondamentaliste guète. Il existe des commentaires, des traductions annotées, les outils existent, mais il faut éviter le piège de fossiliser, de sacraliser les réponses d'un moment, d'une époque, avoir une lecture ouverte.

Pour un croyant, la bonne approche doit pouvoir donner du sens pour aujourd'hui. Le processus d'inculturation, de passage d'une culture à une autre est indispensable, le nécessaire effort de raison, l'ijtihad pour les musulmans, n'a pas  à être craint, foi et raison doivent s'épauler mutuellement.

 

Un  chercheur non croyant reçoit ces textes, Bible et Coran, comme des produits culturels, pour lui la révélation n'existe pas, sa conception  ne peut être qu'anthropologique. Bible et Coran sont des paroles d'hommes inscrites dans des cultures précises et à ce titre, ce sont des documents de premières mains pour comprendre comment à un moment donné, des hommes ont apporté des réponses à leurs questions fondamentales.

 

Bible et Coran ne doivent pas être les armes d'un choc des civilisations, mais bien compris, dans un esprit d'ouverture, peuvent se placer au service d'un monde de paix, d'un humanisme raisonné. Ne pas oublier que le mot islam dérive de la racine SLM qui donne Salam, la paix, écho à la fameuse formule évangélique de la "Paix du Christ".

 

 

 

NOTES

 


     [1] La Bible hébraïque utilisée par les Juifs correspond en gros à l'Ancien Testament des chrétiens, elle se dit Tanakh, mot composé de l'abréviation en hébreu des trois composantes : La Loi ou Torah, les Prophètes ou Nebiim et les Ecrits ou Ketoubim. Les Livres deutérocanoniques  sont des écrits en grec de l'Ancien Testament, ce sont des livres historiques ( Tobie, Judith, Maccabées) poétiques ( Sagesse, Siracide) voire prophétiques ( Baruch et Daniel pour les chapitres 13 et 14). Les Juifs les rejettent ainsi que les protestants, seuls les catholiques les admettent dans le canon  biblique.

   [2] Deutéro-canonique signifie, qui vient du deuxième canon, d'une seconde liste.

 

    [3] Les 27 livres du Nouveau Testament - dont on trouvera la liste dans n'importe quelle Bible-, peuvent se regrouper en genres suivants : 4 évangiles selon Matthieu, Marc, Luc et Jean, les Actes des apôtres récit de la primitive Eglise, une apocalypse, selon Jean, et des lettres ou épîtres.

 

    [4] Les apocryphes du Nouveau Testament font l'objet d'une publication systématique avec notes et études dans la collection la Pléiade chez Gallimard. Ces textes relèvent des mêmes genres littéraires que les textes canoniques, évangiles, Actes, Epîtres, apocalypses..).

 

   [5] Le Coran existe en plusieurs traductions françaises, parmi les dernières noter celle de Jacques BERQUE chez Albin Michel, ou une reprise en livre de poche, deux volumes dans la "petite bibliothèque Payot.. L'édition de la Pléiade est très utile pour ses nombreux index qui permettent de naviguer dans un texte difficile à lire en continu.

 

    [6] Les titres des Sourates sont très divers : la vache, les fourmis, la narration, les coalisés, les abeilles, Abraham,, Joseph… Parfois le contenu n'est que partiellement en relation avec ce titre.

 

   [7] Basmallah ou basmala, le fait de dire "bismillah al-Rahman, al-Rahim" soit: "Au nom de Dieu, le Bienfaiteur, le Miséricordieux". Cette courte oraison est exprimée avant toute action importante de la vie quotidienne, elle sacralise l'action entreprise.

 

  [8] La première Sourate, la Liminaire, l'Ouverture ( Fatiha) a une tonalité très monothéiste sans exclusivité musulmane, elle pourrait être dite par un Juif ou chrétien sans problème de contenu théologique.

"Au nom de Dieu, le Tout miséricorde, le Miséricordieux

Louange à Dieu, Seigneur des univers

Le Tout miséricorde, le Miséricordieux

Le roi du Jour de l'allégeance.

C'est Toi que nous adorons, Toi de qui le secours

Implorons.

Guide-nous sur la voie de rectitude

La voie de ceux que Tu as gratifiés, non pas celle des

Réprouvés, non plus que de ceux qui s'égarent".

Les rapports de Dieu avec l'univers et les hommes sont sous le signe de la souveraineté et de la miséricorde.

 

    [9] Comment concilier la raison et la foi ? article d'Hedwige ROUILLARD-BONRAISIN, directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études, dans la revue "les collections de l'Histoire", N° 13, p.28, 4e trimestre 2001, n° intitulé " La Bible, vérité et légendes".

 

  [10] Un document pontifical de 1993 reconnaît la méthode historico-critique. Voir sur ce sujet, l'ouvrage collectif sous la direction de M. QUESNEL et Ph. GRUSON " La Bible et sa culture", T.2, Desclée de Brouwer, p. 542.

 

[11] Sur ce sujet complexe des auteurs des livres de l'Ancien Testament voir:

Ø    la Revue "le Monde de la Bible", n° 137, oct 2001

Ø    Pierre GIBERT, "Comment la Bible fut écrite", Bayard éditions,170 p.,1995.

Ø    Un exemple précis, le deuxième Isaïe ( Isaïe 40-55), selon des travaux récents résulte d'une écriture en trois étapes - voir " La Bible et sa culture", op.cit. T.1, p 332.

 

  [12] Six lettres  sont appelées deutéropauliniennes. ( exemples l'épître aux Colossiens, la seconde épître aux Thessaloniciens..) car leur attribution à l'apôtre Paul est contestée, il s'agit d'une deuxième vague d'écriture. Le fait d'attribuer un écrit à un auteur connu est une pratique fréquente dans l'antiquité: phénomène de pseudépigraphie. La notion d'auteur est très différente de celle de nos jours. Des disciples de Paul se sont inspirés des idées de Paul pour produire à leur tour, dans la même ligne de pensée.

 

  [13] Qui est l'auteur du quatrième évangile ? selon la tradition, , Jean, le disciple bien-aimé. La recherche a montré qu'il ne peut s'agir d'un témoin oculaire, mais ce serait le fruit du travail d'une école. Cf Le Monde de la Bible, N° 137, p. 42.

 

  [14] R. BLACHERE, Le Coran, Que-Sais-Je ? n°1245, et un N° hors série de Télérama intitulé "comprendre l'islam" nov. 2001, p;25: un entretien avec Jaqueline CHABBI..

 

  [15] L'Hégire est l'exil à Médine en 622 de Mahomet et de quelques fidèles chassés de la Mecque, point de départ du calendrier musulman. C'est ici que l'islam débute réellement, qu'il est reconnu comme Prophète.

  16 Cf: R. BLACHERE, "L'exégèse coranique", QSJ? N°3406

 

  [17] Sur les versions autres qu'uthmaniennes qui furent éliminées voir Mohamed-Chérif FERJANI, "les voies de l'islam", coll. Histoire des religions, Cerf et CNDP de Franche-Comté, p.45.

Un article de la revue "la Medina", intitulé, "le Coran et se lectures", n° 11, déc.2001.

 

 [18] Cf." La Bible et sa culture", T.2 p. 14.

 

   [19] Les derniers textes dont la deuxième épître de Pierre datent des années 125. Cf Bible et sa culture, T.2,  le tableau de la p. 572.

 

  [20] Comment passer du calendrier hégirien au calendrier grégorien. Les mois lunaires sont plus courts que les mois solaires: exemple de 2002: 2002 - 622, divisé par 0.97.

 

  [21] R.BLACHERE, Le Coran, pp.20-21.

 

   [22] Le tétragramme est le nom de Dieu composé de quatre lettres hébraïques  transcrites en français YHWH, que l'on vocalise en Yaweh ou Jéhovah.

 

   [23] La tradition a fixé la liste des 99 plus beaux noms de Dieu, la pluaprt de ces noms ont une origine coranique. Un hadith - un dit du prophète- déclare que 99 c'est 100-1, car Lui, l'Unique, l'Impair aime que les hommes égrènent ces noms ( Le Bienfaiteur, la Paix, le croyant, le Dispensateur, le Juge, le Voyant, le Premier, le dernier…Utiliser l'index d'un Coran, par exemple celui de la Pléiade.

 

   [24] La liste des prophètes dans le Coran est différente de celle de la Bible. Dieu suscite des prophètes chez les différents peuples pour annoncer la Vérité. Les Envoyés de Dieu ont à charge de rappeler, il n'y a pas de progression de la révélation, mais élucidation, précision. Chacun des cinq grands prophètes a sa personnalité : Noé à qui Dieu renouvelle le pacte, Abraham le prototype du croyant, de l'obéissant, Moïse, l'interlocuteur de Dieu, Jésus, le Messie, le Verbe de Dieu ( Kalimat Allah), créé directement par l'Esprit de Dieu, et Muhammad, le dernier, envoyé aux Arabes.

 

  [25] Cf: L. GARDET, L'Islam, Foi Vivante, 1970, p.102

 

   [26] Cf Dans la Pléiade, "Les apocryphes chrétiens", T1, p 134: L'Evangile du Pseudo-Matthieu.

 

   [27] Jésus le Messie cf R. ARNALDEZ, Jésus Fils de Marie, Prophète de l'islam, collection Jésus et Jésus-Christ, n° 13. Le Messie, "al-Masih", l'oint comme en hébreu. Le sens est différent du contexte juif, ce n'est pas le sauveur, mais un qualificatif qui exprime sa nature, il n'y a pas d'intercesseur entre Dieu et les hommes.

 

   [28] Dieu a rusé, il n'a pas laissé crucifier Jésus : S. IV, 157 " Ils ne l'ont certainement pas tué, mais Dieu l'a élevé vers lui,".

 

   [29] R.ARNALDEZ, p.205.

 

   [30] S. LXI,6:" Jésus, Fils de marie, dit : O fils d'Israël! Je suis, en vérité, le prophète de Dieu envoyé vers vous pour confirmer ce qui, de la Tora, existait avant moi; pour vous annoncer la bonne nouvelle d'un prophète qui viendra après moi et dont le nom sera "Ahmad".

 

   [31] rédemption vient de la forme latine - redemptio- de rachat. L'homme est asservi par le mal, ses péchés. Le Christ sauve, il rachète de cette servitude. Le Christ, Dieu, pour les chrétiens est celui qui libère de cette servitude par le pardon. La résurrection de Jésus signifie que ce sauveur est agréé par Dieu. Cf le catéchisme pour adultes , édité par les évêques de France.

 

   [32] Pour comprendre assez facilement ce problème complexe, lire le petit livre de F. BOUSQUET, La Trinité, Editions de l'Atelier, 170 p. 2000.

 

[33] " Jésus se sait envoyé à tout Israël. A t-il étendu sa mission aux païens ? la réponse est difficile, tant la tradition a été réinterprétée en Eglise : tiraillée par le besoin d'ancrer dans le récit de Jésus l'extension de la mission chrétienne aux païens ( Mc XIII, 10, XIV, 9), mais soumise aussi à la pression inverse d'un judéo-christianisme hostile à la mission païenne ( Mt X,5-6). Finalement il faut trancher par la négative : Jésus se destine à tout Israël, mais à Israël seulement". Daniel MARGUERAT, " L'homme qui venait de Nazareth" ou ce que l'on peut savoir aujourd'hui de Jésus", Editions du Moulin, 122 p.1995, p.81 - excellent petit livre.

 

[34] Cf par exemple l'Evangile selon Jean XIX 31 " Cependant, comme c'était le joiur de la

[35] Pour ces récits de résurrection cf La Bible et sa culture, T.2, pp. 145-155.

 

[36] Cf. M-C. FERJANI, Les voies de l'islam, Cerf, pp.51-60.

 

[37] "La Bible et sa culture" p. 541.

[38] Cf. Ghaleb BENCHEIKH " Alors c'est quoi l'islam?

[39] Le livre de l'Echelle de Mahomet, livre de poche, lettres gothiques, 376 p.1991. Ce texte interprète le verset 1 de la sourate XVII.

[40] Lc XXIV- 13-35 " Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu'il nous ouvrait les Ecritures ?".

[41] Cf Bible et sa culture p. 542.

[42] Mondher SFAR, " Le Coran est-il authentique ?" Diffusion le cerf 158 p.2000

[43] Les Ibadites sont les représentants actuels du troisième grand courant de l'islam, après le sunnisme et le chiisme. Ils se rencontrent à Oman et à Djerba en Tunisie. Ce sont ceux qui sont "sortis" du camp d'Ali qu'ils accusent d'avoir accepté un compromis.

[44] Le document sur le lien foi et raison peut se lire dans le Documentation catholique.

 

[45] Ijtihad et Jihad ont la même racine qui signifie "faire effort sur soi"

[46] Le grec de la Septante cf La Bible et sa culture T 2,pp. 557-564.

[47] La théorie de l'abrogation cf A.MERAD, QSJ ?"la tradition musulmane", p. 81.

33-   [48] Les trois passages sur l'alcool sont:

-        II, 219 :"Ils t'interrogent au sujet du vin et du jeu de hasard, dis: Ils comportent tous deux, pour les hommes, un grand péché et un avantage, mais le péché qui s'y trouve est plus grand que leur utilité."

-        IV- 43:" O vous qui croyez! N'approchez pas de la prière, alors que vous êtes ivres, attendez de savoir ce que vous dites".

V, 90:"O vous qui croyez! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont une abomination et une œuvre du démon, évitez le; peut-être serez-vous heureux."

 

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008