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JACQUES,


 

 

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JACQUES, LE FRÈRE DU SEIGNEUR

UN PERSONNAGE CLEF DU CHRISTIANISME NAISSANT

 Ch. BERNARD

 

 

Ce personnage que nos sources nomment Jacques frère du Seigneur est pratiquement  un inconnu pour le grand public qui le confond parfois avec l’apôtre Jacques, fils de Zébédée qui par un parcours assez extraordinaire est venu faire la gloire de Compostelle, petite bourgade de Galice en Espagne. Le personnage qui nous intéresse fut le dirigeant de la primitive Eglise à Jérusalem à une époque cruciale, son activité doit être mieux connue pour lever un petit coin du voile des racines chrétiennes.

Le discours de l’Eglise catholique est en grande partie responsable de l’oubli dans lequel est tombé le personnage.

Le discours théologique affirmant que Jésus est Dieu, né de la Vierge Marie, développant le culte marial, glorifiant la Mère de Dieu, rend difficilement acceptable l’idée d’un frère du Seigneur.

Le discours ecclésiastique dans sa formule connue : « Je crois en l’Eglise Une Sainte, Catholique et Apostolique » ne laisse aucune place à un christianisme primitif qui ne serait pas un mais pluriel, à une communauté qui ne serait pas pendant longtemps séparée du judaïsme, qui ne viserait que l’horizon juif des brebis perdues et non l’humanité entière, et qui enfin serait dirigée par un personnage hors de la lignée des apôtres.

Le personnage Jacques frère du seigneur est difficile à sortir de l’ombre parce qu’il y a été placé et aussi en raison de sources peu abondantes et difficiles à interpréter. L’exposé qui va suivre essaie de rendre compte des recherches entreprises et ne vise nullement à imposer un point de vue particulier sur un sujet aussi sensible voire encore polémique

 

I-                   JACQUES le Frère du Seigneur : Quel degré familial avec Jésus ?

 

1)      Le frère de Jésus ? : un débat ancien .La question des frères et sœurs de Jésus n’apparaît qu’au milieu du IIe siècle, avant ce sujet ne pose pas de problème. Au fur et à mesure du développement de la croyance en la virginité perpétuelle de Marie, il devint nécessaire de trouver une réponse.

a-      1ere solution :naissance miraculeuse de Jésus mais présence « normale » de frères et sœurs : ceci fut la première position ancienne ( voir les nombreuses références dans les évangiles) et c’est actuellement celle de beaucoup de chercheurs. Marie après la naissance « miraculeuse » de Jésus, aurait eu normalement d’autres enfants.

Cette position se rencontre chez de nombreux auteurs anciens ( Helvidius au IVe siècle, Hégésippe qui vers 180, dans ses cinq livres de mémoires voulait transmettre la vraie doctrine, « telle qu’elle a été transmise par les apôtres » emploie l’expression de « Jude, frère du Sauveur selon la chair » , Tertullien ( mort en 225) est lui aussi convaincu de ces affirmations et prétend rapporter la « vraie tradition ».

Cette première position est devenue hérétique dans les premiers siècles de l’Eglise ; par contre elle ne pose aucun problème aux protestants

b-     2eme solution : Ces frères et sœurs du Seigneur seraient les enfants d’un premier mariage de Joseph ; c’est la position de l’Eglise orthodoxe. Cette explication se retrouve chez de nombreux Pères de l’Eglise ( Epiphane évêque de Salamine mort en 403, Clément d’Alexandrie, Origène, Eusèbe.. C’est la position des Eglises orthodoxes. Cette thèse ne s’appuie sur aucun  texte du Nouveau Testament où rien ne peut la confirmer ni l’infirmer. La plupart des chercheurs catholiques actuels ne l’adoptent plus car elle pose deux difficultés :

-         elle est issue d’un évangile apocryphe ( le protévangile de Jacques)où Josèphe dit « Je suis un vieillard, tandis que Marie est une jeune fille.. » Epiphane affirme que Josèphe avait 80 ans !

-         comment alors concilier l’héritage de David pour Jésus si Joseph qui en est le descendant a d’autres enfants ?

c-      3eme solution : celle imaginée  au IVe siècle par un père de l’Eglise, Jérôme, le traducteur de la Bible en latin – la Vulgate. Les frères en question sont tout simplement des cousins ; cette position est celle de l’Eglise catholique. La démonstration de Jérôme est complexe, acrobatique, elle joue sur les différents personnages appelés Jacques  -voir document en annexe -( Jacob) et Marie ( Miriam) dans le Nouveau Testament : il y a sept Jacques et trois ou quatre Marie selon l’interprétation de certains textes ( Marc XV, 40 ; Jean XIX, 25) : Marie mère de Jésus, Marie sa sœur, Marie de Magdala, Marie de Clopas.

Jacques le frère du Seigneur est identifié à Jacques le Petit, et la mère de ce Jacques avec Marie de Clopas, la sœur de Marie mère de Jésus, ainsi donc, ce Jacques et Jésus sont cousins. A la fin de sa vie, Jérôme est moins affirmatif, mais en tout cas, la mère de ce Jacques est toujours une autre Marie, ce n’est pas la mère de Jésus, ils ne sont pas frères. Ces positions ouvertes par Jérôme sont affirmées de nos jours avec force par des chercheurs catholiques, ce qui se voit dans le débat actuellement réouvert.

 

2)      La reprise actuelle du débat fait ressurgir avec violence regrettable parfois, les vieux arguments des uns et des autres pour déterminer les véritables relations familiales entre Jésus et ses frères et sœurs.[1] Ce sont plus souvent davantage des positions de principes qu’une recherche sereine, mais cela nous permet de rouvrir le dossier et de nous amener à réfléchir.

a- Quels sont les arguments en faveur de l’existence de frères et de sœurs de Jésus ?

-         Les textes du Nouveau Testament sont écrits en grec, or dans cette langue il y a deux mots distincts pour dire frère –adelphos- et cousin – anepsios. C’est toujours le terme adelphos qui est employé, ce sont donc bien des frères, car s’il s’agissait de cousin, il y avait la possibilité de le dire précisément.

-         En hébreu et en araméen, le mot frère ( hà ou a’ha) peut désigner selon le contexte, soit le frère de sang soit le frère apparenté c’est à dire, la famille, le cousin entre autres. La question est donc de savoir s’il y a sous le texte grec du Nouveau Testament, un sens large araméen. Les auteurs examinent tous les passages et à chaque fois la réponse est non. Prenons ici deux exemples pour illustrer cette recherche :

 

·        un passage de Paul, Epître aux Galates I, 18-19, texte écrit vers 56 qui s’adresse aux Galates. Ce peuple d’origine celtique ( Galates est semblable à Gaulois) est présent depuis deux siècles en Anatolie – la Turquie actuelle- et parle parfaitement le grec. Lorsque Paul emploie le mot adelphos c’est bien pour signifier frère.

·        Dans Jean XX 17, Jésus dit «  va trouver mes frères », le mot frère signifie frère au sens strict, on ne peut pas soupçonner la langue grecque de Jean de sentir la traduction, il n’y a pas derrière de formule araméenne.

b-      Les arguments de rejet

-         11er argument, le sens des mots : Les textes sont bien écrits en grec, il n’y a pas de texte araméen antérieur, mais, derrière ces textes grecs, il y a des formules sémitiques. Par exemple, les Galates abordent le Nouveau Testament en grec  par la traduction de la Septante où la traduction de hà – parenté- par le grec adelphos ( frère) est fréquente. Pour ces auteurs, il y a un modèle semito-grec de la septante, la mentalité sémitique ( langues hébraïque et araméenne) se trouve derrière le texte grec, c’est un moule culturel sous-jacent ; ainsi donc, il convient de traduire non pas par frère mais par parenté.

-         2eme argument : celui des femmes présentes à la croix, argument majeur pour cette thèse. Que dit l’évangile de Jean ? Jn XIX, 25-27 : «  Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : femme, voici ton fils, il dit ensuite au disciple, Voici ta mère, et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui ». Si Jésus prend soin de confier sa mère à un disciple, c’est bien la preuve qu’il n’a pas de frère et sœur. C’est la thèse d’Epiphane vers 375 et d’Hilaire de Poitiers vers 355.

-         Cette position n’est pas sans poser problème :

·        Les évangiles synoptiques affirment que les disciples se sont enfuis à l’arrestation de Jésus Mt XXVI,56 «  Les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite ».

·        Les femmes n’arrivent qu’après la mort de Jésus et se tiennent à distance (différence avec Jean où elles se trouvent au pied de la croix).

·        Ces femmes – proches ou à distance- ne sont pas les mêmes d’un texte à l’autre, selon Marc, il n’y a pas Marie mère de Jésus.

·        Comment interpréter le verset de Jean, n’y a t-il pas une lecture symbolique où Jean serait le type même du disciple parfait et Marie comme symbole de l’Eglise dans sa fonction maternelle ? Que signifie, « Jean la prit chez lui » ? n’est-ce pas accueillir dans son intimité, dans sa vie de foi ? ou encore dans son groupe ? – à Jérusalem, la Communauté primitive est constituée de plusieurs groupes.

-         3eme argument : Jacques, fils d’une autre Marie.

* Mc XV, 40 «  Parmi (les femmes qui regardaient à distance) il y avait Marie de Magdala, Marie, la mère de Jacques le Petit et de José et Salomé », or, dans Mc VI, 3 et Mt XIII, 55, Jacques et José ( Joset ou Josèphe) sont parmi les frères de Jésus. Ainsi donc, Jésus et Jacques sont proches parents, peut-être cousins.Peut-on assimiler Jacques souvent appeler le Juste avec Jacques dit le Petit ? Voir la reconstruction généalogique récente des partisans de cette thèse en annexe.[2]

 

Toute cette recherche n’aurait aucun sens sans l’affirmation par l’Eglise catholique de la virginité perpétuelle de Marie. La question de l’identité de Jacques nous amène à revisiter cet aspect.

 

 

 

3)      La virginité perpétuelle de Marie

Nous allons succinctement rappeler grâce à quelques jalons historiques comment cette doctrine fut élaborée. Nous allons procéder en remontant le temps, de l’affirmation  du dogme aux germes repérables.

a-      La première mention officielle de la virginité perpétuelle de Marie apparaît en 374 dans le Symbole d’Epiphane qui développe le symbole[3] de Nicée de 325. Il est dit : « Le Fils de Dieu s’est incarné, c’est à dire a été engendré parfaitement de Sainte Marie, la toujours Vierge, par le Saint Esprit ». A cette époque, l’on cherche à définir la vraie nature du Christ, aussi, l’affirmation de sa nature de Fils unique de Dieu, entraîne t-elle l’affirmation du Fils unique de Marie, de la Virginité perpétuelle .

Ces affirmations sont confirmées par deux autres conciles, en 553 par le concile de Constantinople, et en 649, par le concile du Latran : «  Virginité de Marie ante partum, in partum, post partum », c’est à dire en français, avant, pendant et après la parturition ( vieux mot pour dire accouchement). Cela ne concerne que le mise au monde de Jésus, c’est une conception virginale, c’est un enfantement virginal pour dire que le Christ est vraiment Dieu et vraiment homme.

b-     Les pères de l’Eglise des deux premiers siècles ne mentionnent pas la virginité post partum de Marie. Saint Justin ( mort en 165) n’envisage la virginité qu’avant la naissance de Jésus. Avec Irénée de Lyon, (mort en 202) qui installe la mariologie ( il voit en Marie comme l’antithèse d’Eve), il n’y a rien sur la virginité après Jésus, post partum.

c-      Entre 150 et 200 la rédaction d’un texte apocryphe, le Protévangile de Jacques[4], nous fait saisir la naissance des traditions. La virginité perpétuelle de Marie est ici la thèse centrale. Anne, la mère, consacre son enfant Marie au Temple, puis, Marie est confiée à un veuf âgé, Joseph… la naissance de Jésus est racontée en détails, il y a même le témoignage des sages femmes. Les frères et sœurs de Jésus sont ses cousins et en aucun cas d’autres enfants de Marie. C’est ce texte qu’adopta Origène dans son commentaire sur le récit de l’enfance de Matthieu. La filiation divine de Jésus, primitivement posée lors du baptême se déplace et remonte maintenant à la naissance.

d-     Il est difficile de remonter plus haut[5], certes, il semble qu’un culte de la Vierge apparaisse très tôt comme en témoigne le jeûne du mercredi en souvenir de l’Annonciation, en parallèle au jeûne du vendredi.

 

La question des frères et sœurs de Jésus est donc toujours un sujet polémique étant donné la distorsion (apparente ou réelle ?) entre le dogme catholique et les textes du Nouveau Testament. Notre étude sur Jacques n’aura pas à en souffrir, il nous suffira de le considérer comme de la famille de Jésus, frère ou cousin ne changera rien de fondamental à ce qui suit.

 

 

II-                JACQUES, Chef de la communauté-mère de Jérusalem ( années 40 et 50)

Les Actes des Apôtres et des écrits de Paul nous relatent quelques épisodes de la vie des premières communautés « chrétiennes » dirigées au tout début par Pierre et très vite par Jacques dit le frère du Seigneur. Jacques exerce l’autorité suprême dans les années 40 et 50. A quel titre exerce t-il cette fonction, a t-il fréquenté Jésus de son vivant, quelles étaient ses positions théologiques ? telles sont les questions que nous allons analyser.

 

1  )  Les relations Jacques-Jésus

a-      Jésus et la famille en général

Les évangiles nous donnent en apparence une situation contradictoire concernant les considérations de Jésus sur la famille en général :

*   en Marc X, 17, Jésus invite au respect des commandements : «  Ne tue pas, ne vole pas, Honore ton père ta mère.. »

*   en Luc XIV, 26 «  Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple ». Haïr signifie rejeter, dédaigner. Quel sens donner à ce verset ? Verset écrit tardivement, pour signifier que tout est secondaire par rapport à la mission, dire qu’il y a nécessité pour les disciples de se tenir près à accomplir la mission demandée par Dieu, dire que devant l’urgence, les disciples peuvent passer outre les règles ordinaires des commandements. Il ne faut donc pas prendre cela au pied de la lettre.

·        Il en ressort plutôt une grande importance des liens de famille. Ces liens sont affichés pendant la vie de Jésus ( noce de Cana, penser à la famille de Pierre, sa belle mère guérie par Jésus, de même la famille de Lazare ); après la mort de Jésus, chacun reste avec sa famille, les apôtres voyagent avec leur femme, on se préoccupe des veuves dans la première communauté….

b-     Jésus et sa famille ? apparemment les rapports sont tendus voire mauvais. Quels témoignages en avons nous ?

-         dans les synoptiques ( surtout chez Marc, les deux autres atténuent les oppositions). A deux occasions chez Marc l’on voit l’opposition, lorsqu’il chasse les mauvais esprits et attire les foules, lors de son passage à la synagogue de Nazareth. Marc, le plus ancien de nos évangiles rapporte une tradition d’hostilité entre Jésus et sa famille. Marc est issu d’un milieu qui connaît l’Eglise primitive de Jérusalem mais ne l’apprécie pas car trop intellectuelle, trop liée aux compromissions pour se faire tolérer des autorités juives, d’où les passages montrant des ruptures entre Jésus et sa famille, passages rappelés comme des attaques contre Jacques qui est au pouvoir. Ce texte premier de Marc a peut être été rédigé à la fin des années 50 dans la région de Césarée dans un entourage d’hellénistes peut être par Philippe ou un proche. Nous sommes loin d’une tradition liant Marc à Pierre exclusivement. Le texte de Marc que nous avons est une réédition pour un public païen avec des rajouts en fin de texte.

-         Luc : XI, 27-28 : «  Une femme lui dit : Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés ! Jésus répondit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent. »

-         Chez Jean, à trois occasions le lecteur peut constater l’opposition entre La famille et Jésus. Lors des noces de Cana «  Femme que me veux-tu ? », au retour de Cana et lors de la montée à Jérusalem pour la fête des Tentes (VII, 35) : «  ses frères eux-mêmes ne croyaient pas en lui ».

Frères ou cousins, ici peut importe, l’essentiel est de constater la division du groupe, du clan. Jean le Baptiste est-il cousin de Jésus ? ce n’est pas impossible comme en témoignent leur rapprochement initial et leur opposition finale. Le groupe famille ne reconnaît pas Jésus dans sa mission ( de messie ?) Chacun voit bien qu’il agit, mais à une époque  marquée par les croyances de possessions, la question clé que chacun se pose, la famille comme les autorités juives, est de savoir, au nom de qui il agit ! C’est soit au nom d’un esprit positif c’est à dire de Dieu soit au nom d’un esprit mauvais, c’est à dire Belzébul. Les miracles exigent la foi, ils ne la provoquent pas.

Jésus a conscience de jouer un rôle particulier dans l’annonce de la venue du Royaume de Dieu, sa famille globalement avait peut-être des prétentions de descendance davidique sur lesquelles il aurait rebondi pour se penser comme Messie ; mais, le problème de Jésus est d’être reconnu comme tel par Jean le Baptiste. Seul un prophète peut reconnaître un messie, et le déclarer « oint » de Dieu, lui donner l’Esprit, ou le lui enlever ( Se souvenir de l’épisode des rapports entre le prophète Samuel et le Roi Saül : Premier Livre de Samuel Chapitre XV 1 – 23).

Jean le Baptiste, comme sa famille en général, ne reconnaît pas la méssianité de Jésus, il n’est pas « oint », il «  a perdu l’esprit » disent –ils . La famille et Jean, se font une autre idée de ce que doit être le messie. La nature exacte des relations entre Jésus et sa famille sont difficiles à préciser, au moins à un certain moment elles ont été présentées comme conflictuelles.          

c-      Les relations de Jésus avec Jacques (frère ou cousin, ici peut importe) sont très difficiles à appréhender, nos sources sont peu loquaces. Les frères de Jésus participèrent-ils à ses activités de son vivant ? Seul Jean semble le suggérer, certains apocryphes cités par Jérôme signalent la présence de Jacques lors de la Cène, mais ce n’est pas très fiable. On voit surtout la famille et les frères, à Jérusalem, parmi les premiers disciples après l’ascension.

·        Jacques a t-il été baptiste comme  Jésus, comme tous les disciples l’ont été ? Avoir été baptiste est une des conditions nécessaires pour trouver un remplaçant à Judas, donc comment Jacques aurait-il été accepté en dehors de cette condition ? Par ailleurs, une tradition rapportée par Hégésippe, nous signale que Jacques ne prend pas de bain, et ainsi n’aurait jamais été baptiste.

·        Le texte le plus ancien du Nouveau Testament ( 1 Co XV, 3-8) affirme que Jacques aurait bénéficié d’une apparition de Jésus. Ce texte écrit vers 50, si on l’étudie de près indique surtout à cette date, un compromis entre des « partis » dans la communauté de Jérusalem, une sorte d’égalité entre les groupes de Pierre et de Jacques. Rien ne suggère que cette apparition n’ait entraîné une conversion. Certains chercheurs pensent que Jacques n’est pas « chrétien » ( au sens de Paul) mais toujours juif.

·        Lorsqu’il dirige la communauté de Jérusalem, jamais Jacques ne fait allusion à Jésus. C’est un juif, qui comme beaucoup à cette époque, est persuadé de l’imminence de l’arrivée du Royaume de Dieu, de l’accomplissement de prophéties comme celle d’Amos concernant le relèvement de la Tente de David. Jacques se situe dans l’espoir d’une venue imminente du Messie, de la royauté davidique ultime en Israël ( Actes I-6).

·        Jacques comme Jésus sont juifs, le qualificatif qu’ils partagent est difficile à comprendre : ils sont nazoréens [6] comme le sera la postérité de Jacques. Disons que c'est une secte, une tendance à l’intérieur du judaïsme, qui désignera très tôt la mouvance issue de Jésus, ailleurs, à partir d’Antioche, on dira chrétiens. Ce dernier terme restera, nazoréen disparaîtra de notre horizon. Jésus comme Jacques n’eurent pas conscience de fonder une nouvelle religion, leurs activités se situent totalement à l’intérieur du judaïsme.

2)      L’ascension de Jacques à la tête de la communauté de Jérusalem à la place Pierre se repère historiquement facilement mais pose question sur sa raison d’être.

a-      quelles sont les dates repères issues de la littérature paulinienne ?

·        milieu des années 30, quelques temps après la mort de Jésus : Galates I ;18-19, Paul déclare que trois ans après sa conversion, il va à Jérusalem où il rencontre Pierre et Jacques. Jacques est donc déjà là associé à Pierre à la tête de la communauté,.

·        Fin des années 30.Paul donne la liste des groupes qui ont bénéficié des apparitions de Jésus. Ce texte (1 Co, XV, 7) reflète une situation où la prééminence de Pierre est encore reconnue, mais où se lit une prétention à l’égalité des deux leaders – voir le parallélisme des versets 5 et 7-,le groupe perdant est celui des femmes – en droit juif, leur témoignage ne compte pas. A cette date, il y a concurrence entre le groupe de Pierre et celui de Jacques.

·        Vers 50. Quatorze ans plus tard, Paul revient à Jérusalem et y rencontre Jacques en premier ainsi que Pierre et Jean à propos du «  concile de Jérusalem » C’est Jacques qui mène le débat. En une quinzaine d’années, Jacques est passé d’associé à seul dirigeant.

b-     Comment expliquer cette ascension de Jacques à la tête de la communauté de Jérusalem ?- et de ce fait, à la tête de tout le mouvement-. Deux types d’explications se conjuguent :

-         l’usure du pouvoir de Pierre. Pierre , le premier dirigeant du groupe, était lié à une forme précise d’organisation, or celle-ci va échouer :

·        l’attente de la Parousie imminente entraîne un repli sur soi : rien ne vient !

·        Problèmes économiques et financiers du groupe (dans le cadre d’une influence essénienne, la mise en commun des biens est perturbée par le départ des plus riches, les hellénistes persécutés.. il sera nécessaire d’organiser une collecte pour ces gens de Jérusalem).

·        Au départ, personne ne prévoit d’organiser des missions, c’est l’activité extérieure des Hellénistes d’Etienne et de Philippe qui oblige le groupe de Jérusalem à changer d’horizon, à regarder le problème  non prévu des païens qui souhaitent adhérer. A tout cela, Pierre essaiera de faire face, mais son comportement un peu chaotique montre bien qu’il est un peu déboussolé, qu’il n’y arrive pas. De plus ce premier groupe va souffrir : vers 44, Jacques fils de Zébédée est exécuté  c’est le premier des 12 à mourir martyr– sous Agrippa I-, Pierre est arrêté – il y a un début de persécution publique. Le système Pierre ne fonctionne plus !

-         Jacques, lui en face, a plusieurs atouts .

·        il a déjà l’habitude de remplacer Pierre lorsque celui-ci est en déplacement

·        n’ayant pas été disciple, il n’est pas lié  comme les autres à cette attente imminente de la Parousie

·        il a bénéficié d’une apparition ( cela compense son absence de compagnonnage avec Jésus ?)

·        il est membre de la famille de Jésus , ce critère dynastique est essentiel, on lui fait confiance : l’action de Jésus perçue comme  faisant partie de celle d’un clan ( davidique ?)

·        il est très pratiquant, c’est un juif pieux reconnu comme tel ; cela sécurise tout le monde, son groupe derrière lui est à l’abri des persécutions ( personne du groupe n’aide les Hellénistes ou Paul lorsque ceux ci seront inquiétés ). Effectivement, dès 44 et pour un certain temps, il n’y aura plus de persécution, le groupe « nazoréen » ou « chrétien »si l’on préfère vit en paix mais au prix d’un grand conformisme religieux ( ce qui ne plait pas à Pierre et encore moins à Paul ).

 

3)      Le judaïsme strict de Jacques entraîne un conflit avec Pierre et surtout avec Paul.

a-      Jacques se méfie des innovations. A lire certains passages du Nouveau Testament, on est surpris par le nombre de visions des uns et des autres, au bénéfice de Pierre notamment . Une vision a pour fonction une révélation nouvelle, l’affirmation d’une nouveauté. . La Loi seule compte pour Jacques, il préfère s’en tenir à ses prescriptions plutôt que d’écouter Pierre parler de sa vision à Joppée ( où la vision l’autorise à manger de tout, même avec les païens, où il n’y a plus de notion d’impureté). Jacques se méfie des visions. La seule révélation c’est la Torah, alors que pour Pierre c’est aussi ce que dit le ressuscité ( certes avec crainte voire réticence). Toute la réflexion de Jacques est inscrite dans les traditions juives, rien ne vient des nouveautés comme chez Pierre ou Paul.

b-      Le conflit éclate entre le groupe de Jacques et les autres à propos des pagano-chrétiens. Depuis quelques dizaines d’années déjà, le judaïsme, sans chercher à faire des prosélites, intrigue et attire des personnalités d’origine païenne, ce sont des craignant-Dieu. Ces personnes sont associées au judaïsme, non assimilées aux Juifs.La poursuite logique de ce processus est l’arrivée de païens dans la mouvance juive qui suit la Voie[7], ceux que l’on appelle les « nazoréens » ou « chrétiens ». Ces nouveaux chrétiens d’origine païenne sont pour la facilité du propos appelés pagano-chrétiens.

Que faire de ces pagano-chrétiens ? Doivent-ils devenir juifs à part entière pour être chrétiens, étant donné que chrétien ne signifie pas alors une nouvelle religion mais une tendance à l’intérieur du judaïsme, comme il en existait beaucoup avant la destruction du Temple.

Cette question se pose concrètement dans les différentes communautés chrétiennes autour de l’année 50.   Nos sources sur ce sujet sont d’interprétation difficile et ont donné lieu depuis longtemps à de vives discussions, cela est loin d’être achevé. La réponse à ce problème passe par trois points semble t-il : la réunion à Jérusalem – improprement appelée concile de Jérusalem-, le décret apostolique, le conflit d’Antioche. L’ordre est ici donné à titre indicatif, mais peut très bien être inversé, on ne sait pas trop bien ce qui est cause et conséquence.

·        un problème naît à Antioche : la circoncision est-elle indispensable au salut ? des chrétiens de Judée    ( entourage de Jacques ?) disent oui, Paul et Barnabas disent non. Un arbitrage est nécessaire, ce sera la réunion de Jérusalem ( peut-être vers 48-50). De ce fameux « concile de Jérusalem », nous possédons deux versions : Actes XV, 2 – beaucoup d’ajouts sont imputables à Luc-, et Galates II, 1-10. Globalement , le texte de Paul semble être plus authentique.

·        Qu’a t-on décidé à Jérusalem ?

-         Pierre y tient un discours très (trop ?) paulinien, où il affirme que la Loi n’est pas nécessaire, seule la foi sauve, ainsi, la circoncision ne s’impose pas aux pagano-chrétiens.

-         Jacques parle en dernier, cite Amos IX- 11-12 selon la Septante : «  Quand la maison de David sera relevée », ce sera l’entrée dans l’ère messianique, les païens reconnaîtront Dieu. Ils leur suffit de respecter quatre interdits issus de la Loi. ( Actes XV, 29). « Vous abstenir des viandes des sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de l’immoralité ». C’est le décret apostolique. Ceci fut-il décidé ici ? ( thèse de Luc) ou bien décidé plus tard, par Jacques, pour résoudre un autre conflit à Antioche  , en l’absence de Paul ?.

-         Personne n’exige la circoncision de Tite , l’ami de Paul ( est-ce une exception ou un principe ?)

-         Paul indique qu’un principe de partage de mission fut décidé : à Pierre la mission près des Juifs, à Paul celle auprès des gentils ( païens).

·        Le conflit d’Antioche qui fait ressortir le conflit entre Jacques et Pierre- Paul. A Antioche les chrétiens d’origine juive et les chrétiens d’origine païenne prennent leurs repas en commun, Pierre y participe.

Des   envoyés de Jacques se scandalisent de cette situation d’impureté pour les juifs ( judéo-chrétiens) et donnent l’ordre de la séparation ; il ne peut y avoir de repas en commun ( bien comprendre que c’est le lieu et moment de l’eucharistie). Pierre accepte de se séparer ( peur des autres Juifs, des Zélotes peut-être, d’être accusé de laxiste). Paul entre dans une colère majuscule, sermonne vertement Pierre, se trouve minoritaire, rompt avec tous et part.

·        Nous ne connaissons pas exactement les raison de Jacques, mais cela s’accorde avec des conceptions juives du temps. Même si certains païens sont amenés à reconnaître Dieu et le messie, cela ne leur donne pas pour autant le droit d’être considérés comme membres du peuple juif, du peuple de Dieu. Par ailleurs, les Juifs qui ont reconnu Jésus, forment l’Israël véritable, ils doivent maintenir leur identité ( leitmotive des Juifs de toujours), se séparer ( souci de tout groupe juif) ; Tout le monde comprend et accepte, sauf Paul.

c-       Pour Jacques, il faut une communauté à deux vitesses, il n’y a pas de conception d’un christianisme, nouvelle religion, nouvelle communauté. Il doit y avoir :

-         les nazoréens ou chrétiens, des Juifs qui suivent la Voie ( reconnaissent Jésus), qui constituent l’Israël véritable, eschatologique ( celui de la fin des temps).

-         Les païens baptisés, qui ne sont pas nazoréens, mais seulement des craignant-Dieu, qui seront sauvés, sans être intégrés, seulement associés à l’Israël véritable. C’est l’opposition majeure avec Paul pour qui la foi seule sauve , situation qui abolie les différences de statuts.

*  Jacques rattache ces païens qui se convertissent ni à Abraham, ni à Moïse ( les deux sont e st l’arc-en-ciel, mais rien en matière de rite, ni circoncision, ni baptême). Les nations sont en train de reconnaître Dieu ( c’est une nouveauté, signe des temps), mais elles ne sont pas assujetties à la Loi, et ne doivent pas être intégrées en Israël. Jacques accusera Pierre d’avoir transgressé les barrières en entrant chez Corneille.

*  Pour Jacques encore, pour que cela soit plus clair, ces païens se convertissent à Dieu, il n’est pas question de Jésus, c’est l’accomplissement de la prophétie d’Amos IX-11. Le seul lien avec Jésus est la réapparition de l’idée de lignée de David ( Dieu relève la tente de David).

*  Jacques est appelé le Juste ! ceci est en accord  avec :

-         une conception du message de Jésus qui consiste en une obéissance à la Loi dans le sens d’une exigence de justice parfaite ; tel est reçu le message de Jésus en milieu judéo-chrétien ( voir Matthieu V-20 sur la conception d’une meilleure justice.

-         Une conception de la mission de Jésus : une intercession pour le pardon eschatologique des péchés du peuple «  Père , pardonne leur.. ». Ceci n’a pas de sens auprès des païens, mais seulement auprès des » brebis perdues de la maison d’Israël ». L’écrivain Flavius Josèphe et d’autres nous montrent  Jacques en prière dans le Temple, en position d’intercession.

-         Une conception de la paix, le problème de Rome n’est pas le leur ( d’où les persécutions menées par certains juifs extrémistes, les Zélotes entre autres).

 

 

III-              La mort-martyre de Jacques, et son héritage.

 

1)      Jacques frère du Seigneur lapidé par les Juifs en 62. La mort de Jacques frère du Seigneur n’est pas rapportée par les Actes mais par un juif passé au service des Romains, Flavius Josèphe,[8]dans l’un de ses ouvrages « les Antiquités juives «  XX 197-203. Texte écrit vers 90, à une époque où le Temple est détruit, où les chrétiens se démarquent des autres juifs.

a-      cela se passe dans un contexte très tendu et violent

-         le roi de Judée , Hérode Agrippa II ( arrière petit fils d’Hérode le Grand mort en –4) est un ami et vassal de Rome, mais il conserve le droit de nommer et de déposer le Grand Prêtre, donc un pouvoir de contrôle.

-         Cette époque est très troublée, voire anarchiste.

·        des personnages se disent prophètes comme Moïse, attirent les foules, annoncent des prodiges dans un cadre d’idée de fin des temps ; généralement l’armée romaine réprime ( il y a de nombreux morts).

·        En 45 Theudas mène une foule au Jourdain ( se prend pour un nouveau Josué)

·        En 56, un juif égyptien réunit une foule sur le Mont des Oliviers et annonce que les remparts de Jérusalem vont s’écrouler.

·        Sous le procurateur Félix, Paul est arrêté par les Romains ( comme chef de la secte des Nazoréens), après avoir failli être lynché par la foule des Juifs zélés.

·        En 62, un certain Jésus ben Ananias, paysan , prophétise quotidiennement la destruction du temple ; les Juifs le conduisent devant les Romains qui le relâchent ne le jugeant pas dangereux ( pas de disciples).

-         pression des Zélotes, des sicaires qui commettent des assassinats ( de Romains et de Juifs).

-         L’affaire du mur à Jérusalem ( 60-61)[9]

b-     comment nous est rapportée la mort de Jacques en 62 ?

·        en 62, le procurateur Festus meurt après être resté en poste deux ans.  L’empereur romain Néron le remplace par Albinus qui est alors en poste en Egypte , à Alexandrie. Comme il faut quelques mois pour réaliser ce transfert, il y a donc une courte vacance de pouvoir en Judée. Ce laps de temps qui fut assez long, laisse la place à des initiatives locales, du Grand Prêtre et du Roi Agrippa.

·        Agrippa dépose le Grand Prêtre Josèphe, nomme à sa place Hanne (ou Annan, Anne). Membre de la famille bien connue ; Anne et Caïphe étaient les grands prêtres à l’époque de Jésus.

·        Hanne profite de l’absence du procurateur pour convoquer lui-même le Sanhédrin ( tribunal composé de notables) pour faire condamner Jacques. Ce dernier est accusé d’avoir transgressé les lois, et, condamné à mort par lapidation. Une tradition postérieure affirme qu’il a été précipité du haut du mur du Temple et achevé à coups de pierres.

·        Après sa mort dit Flavius Josèphe, les plus modérés à Jérusalem ( entendons les pharisiens), expriment leur mécontentement, vont à la rencontre d’Albinus et dénoncent Hanne pour avoir  convoqué le Sanhédrin sans autorisation. En colère, Albinus fait pression sur Agrippa qui dépose Hanne ( il ne fit que trois mois de pontificat).

 

2)       Comment interpréter cette mort ? Il est difficile de trouver une réponse, et cela pour trois raisons : nos sources sont là aussi peu bavardes, les tensions et les alliances de l’époques sont complexes et changeantes parfois, et nous ne savons pas exactement comment Jacques était perçu par les uns et les autres.

a-      mort par lapidation .Une mort prononcée et exécutée par les Juifs. Quel crime alors mérite une telle peine selon le droit juif ? deux cas de figure selon la Bible : le fils rebelle dénoncé par ses parents ( Dt XXI- 18-21), celui qui maudit le nom de Dieu, qui blasphème ( LV XXIV- 15-17). Ici, on ne peut que retenir le deuxième cas. Quel a put être ce geste, cette attitude de Jacques, considérée comme blasphème par le Grand Prêtre Hanne ( très rigoureux sur la Loi, proche des Sadducéens) et par le Sanhédrin, c’est à dire les notables de Jérusalem ?.

 

 Ce grand Prêtre Hanne est décrit dans un autre ouvrage de Fl. Josèphe, « la guerre juive » où il en fait l’éloge en soulignant son action à l’approche de la guerre de 70. En effet Hanne s’efforce alors d’éviter la guerre, il organise une résistance armée du peuple contre les fauteurs de guerre, Zélotes et sicaires ( G IV- 162- 192. Il sera tué par une opposition de Zélotes et d’Iduméens ( Les Zélotes ces années d’avant guerre, créent une véritable terreur, tuant toute personne désirant s’échapper de Jérusalem. Ce Hanne qui aime la paix et qui n’a pas réussi à éviter la guerre, pourquoi fait-il tuer Jacques ?.

b-     hypothèse d’un chercheur, Etienne Trocmé.[10] Le groupe judéo-chrétien de Jérusalem  dirigé par Jacques, aurait été perçu par les Zélotes, comme laxiste à l’égard de la loi de Moïse, et fauteur de trouble ( penser à la longue liste d’arrestations et d’exécutions : Etienne et les Hellénistes, Jacques fils de zébédée, arrestation de Pierre, problèmes de Paul,  et auparavant Jean le baptiste, Jésus.). Cette fois en 62, c’est Jacques le frère du Seigneur et d’autres membres de son groupe ( persécution collective). E. Trocmé pense que le Grand Prêtre Hanne , en l’absence du procurateur romain, n’a pas pu résister à la pression exercée par les Zélotes sur lui et son entourage. Pour ne pas être critiqué, il devait se montrer ferme à l’égard de ce courant juif particulier, les nazoréens.  Dans la Palestine de l’époque, ne peuvent se maintenir que des courants juifs strictement fidèles à la Loi, ou apparaissant comme tel. Paradoxalement, le pouvoir romain peut être protecteur, en son absence, le courant chrétien est en danger.

c-      L’hypothèse de R.Eisenman[11] est plus élaborée, peut être plus improbable, mais intéressante à étudier par les points qu’elle soulève. Selon lui, Jacques serait le Maître de Justice des Esséniens.

·        Les Esséniens et les zélotes, ont au moins ce point commun qui consiste à être contre les grands prêtres en place, et à souhaiter l’installation d’un Grand Prêtre plus pur. Pour beaucoup à l’époque, l’enjeu des luttes est le pouvoir du pontificat : seul le Grand Prêtre, une fois l’an a le droit de prononcer le nom de Dieu dans le saint des saints du Temple, ce qui lui confère grand prestige et pouvoir.

·        Un texte de Qumram parle d’un Grand Prêtre résistant qui s’est manifesté comme Grand Prêtre le jour du Grand pardon ( Yom Kippour) ( à une date correspondant au calendrier essénien et non de Jérusalem). Pour Eisenman, ce serait Jacques qui se serait considéré comme le vrai Grand Prêtre et, ainsi, se serait attiré l’hostilité mortelle de Hanne ; pour ce dernier, le geste de Jacques ne pouvait être que blasphème . C’est une hypothèse osée, difficile à tenir, mais qui a le mérite de bien faire ressortir certains aspects qui cadrent bien :

-         l’idée que Jacques est un homme pieux et juste

-         avec ce qu’en dit Héségippe ( source perdue mais commune à Origène, Eusèbe de Césarée et peut être Clément d’Alexandrie). Pour eux, Jacques est un nazir permanent, comme Samuel, Jean le Baptiste ( mais ne prend jamais de bain rituel). Il avait le droit d’entrer dans le Temple et d’y porter des vêtements de lin ( les habits sacerdotaux sont en lin, sous le Roi Agrippa, les Lévites reçoivent ce droit, comme les prêtres). Au Temple, Jacques à genoux demande pardon à Dieu pour le peuple : c’est l’attitude du Grand Prêtre le jour du Grand Pardon. Ce serait là le blasphème, commis au Temple (où continuent à aller les « premiers chrétiens »), ou ailleurs, car n’oublions pas que la première communauté se pense comme le nouveau Temple.

d- une autre hypothèse, très plausible bien qu’ancienne ( 1958), est celle de P. Gaechter qui voit dans la mort de Jacques, le résultat d’une hostilité permanente de la maison de Hanne à l’encontre de Jésus et ensuite des dirigeants de l’Eglise. Cette thèse est intéressante si l’on considère l’aspect dynastique familial de la descendance de Jésus ; deux clans s’opposeraient pour la conquête du pouvoir.

 

3)      quelle postérité pour Jacques ?

a-      Jacques est le type même du judéo-chrétien, d’une Eglise primitive très enracinée dans le judaïsme, non conscient de fonder une nouvelle religion. Sa postérité, c’est le judéo-christianisme, mouvement qui continue l’observance de la loi, qui garde son identité juive.

-         Il faut rappeler ici brièvement ce que fut pendant longtemps notre perception du judéo-christianisme. La crise de 70 leur fut fatale, comme ils n’étaient disait-on, ni juif ni chrétien, ils devaient enfin faire le choix entre :

·        retourner à la synagogue ( abandon de la foi en Jésus)

·        intégrer l’Eglise ( abandonner la Loi de Moïse)

·        ou continuer dans leur situation intermédiaire. Ceux qui persistèrent, connus sous le nom de Nazoréens et d’Ebionites, furent vite perçus comme hérétiques à la fois par les Juifs et par les chrétiens.

-         La vue actuelle des judéo-chrétiens est un peu différente, moins simpliste. Certes, la crise de 70 leur porte un coup rude mais malgré cela, ils demeurent présents encore pour longtemps, et furent pendant des décennies une minorité puissante, active. Localement ils continuent à dominer ; c’est le cas en Egypte où se créa assez tôt une puissante communauté judéo-chrétienne ( il y a en Egypte 1 million de juifs sur une population de 7 à 8 millions d’habitants). Cette Eglise d’Egypte est subordonnée à Jérusalem et pourtant nos sources du Nouveau testament n’en parlent jamais, elle est hors du champ d’action de Paul. A Jérusalem, la tradition prétend que la communauté se replie à Pella pendant la guerre de 70 et revint ensuite, mais sans avoir le prestige d’avant.

-         Il nous reste une série d’écrits judéo-chrétiens ce qui prouve leur importanceIl nous reste une série d’écrits judéo-chrétiens ce qui prouve leur importance

·        l’évangile selon Matthieu est considéré maintenant comme judéo-chrétien ; l’auteur se considère comme juif, le mouvement chrétien est appelé le nouvel Israël, cet évangile est écrit  pour faire de nouveaux adhérents juifs, il  s’adresse peu aux païens ; on y respecte la Loi telle que Jésus l’avait interprétée.

·        L’évangile de Luc et les Actes des Apôtres sont des écrits de plus en plus perçus comme étant écrits par des auteurs juifs ou du moins très judaïsés, appartenant à une communauté observant la Loi, avec une présence de pagano-chrétiens respectant le décret apostolique. Les judéo-chrétiens dominent ce contexte.

·        La Didaché, texte de la deuxième moitié du Ier siècle provient d’une communauté mixte où l’idéal est de devenir juif, de judaïser ( s’inspire en partie des idées de Jacques).[12]

·        L’Epitre de Jude, l’Apocalypse de Jean, la 2e Epitre de Pierre, l’Epitre aux Hébreux, l’Epitre de Jacques… proviennent de communautés largement dominées par des judéo-chrétiens.

-         Il n’est pas facile de dégager de cette littérature une théologie spécifique pouvant être qualifiée de judéo-chrétienne et qui serait l’héritage de Jacques le frère du Seigneur. Il y a diversité à l’intérieur de ce que l’on nomme judéo-chrétien, les théologies ne sont pas homogènes. Jadis, les Pères de l’Eglise ont établi une distinction entre deux tendances :

·        pour la première, Jésus fut un homme ordinaire, né de Marie et de Joseph, mais en raison de sa piété, de ses actions méritoires, de sa justice, Dieu la adopté comme Messie lors de son baptême.

·        Pour la seconde, Jésus est né de la Vierge Marie par l’opération du saint esprit, mais n’est pas de nature divine. Les Nazoréens décrits par Epiphane et Jérôme seraient les vrais descendants de Jacques, ces gens rejettent les écrits de Paul. Le courant Ebionite serait issu d’une scission après la migration de Pella.

 La diversité de ces courants judéo-chrétiens, héritage plus ou moins direct du groupe de Jacques, sont le reflet de la diversité à l’intérieur de l’Eglise primitive. On ne le dira jamais assez, au départ, il y a des christianismes.

 Au deuxième siècle, les pagano-chrétiens l’emportèrent progressivement sur les judéo-chrétiens ; leur peu de succès auprès des autres juifs contraste avec le grand succès que le groupe « chrétien », pagano-chrétien, obtint dans le monde païen. Le mouvement pris de plus en plus l’allure d’une nouvelle religion, séparée du judaïsme. Ces judéo-chrétiens, marginalisés par les « chrétiens », furent rejetés par le nouveau judaïsme qui se reconstruit après la guerre de 70.

L’islam a recueilli une partie de cet héritage judéo-chrétien ; le Jésus ( Isa) présenté par le Coran lui doit beaucoup : naissance miraculeuse, Jésus mis à part par Dieu mais n’est pas Dieu lui-même, il n’est qu’un homme, mais vrai prophète ( notion ébionite).cela prouve qu’il y avait encore au Proche-Orient des textes et des communautés judéo-chrétiennes.

b-     Une postérité familiale. La direction de la communauté de Jérusalem est pendant un certain temps conçue comme une affaire de famille, le devoir d’un clan. Après la mort de Jacques nous dit Eusèbe citant Hégésippe, ce sont d’autres membres de la famille de Jésus qui sont placés au pouvoir. Il s’agit de Siméon, fils de Clopas ( fils de l’oncle de Jésus et donc son cousin ?), ce qui est certainement anachronique, des deux petits fils de Jude, un autre « frère du seigneur selon la chair ». Ces deux personnages comparurent à Rome dit une tradition, devant Domitien, puis furent relâchés.

Ces passages ne sont pas très sûrs, mais ils indiquent tout de même la présence d’un christianisme dynastique ce qui est conforme aux mentalités ( penser à la fonction de Grand Prêtre de Salomon à l’époque macabéenne accaparée par un même clan, à la famille de Hanne, aux dynasties de Zélateurs de la Loi ( les fils de Judas le galiléen sont présents dans la résistance de Massada).

L’espérance messianique qui s’est exprimée sous différentes formes était une lutte de pouvoir entre différents groupes, différentes tribus, Lévi, Judas, maison de David.. La lutte pour le pouvoir politique et religieux est une lutte de clans. Penser à l’islam naissant. Mahomet n’ayant pas réglé sa succession, des guerres s’ensuivirent d’où sorti le Chiisme , mouvement à prétention dynastique. De nos jours tel ou tel dirigeant du monde arabe tient à se dire descendant du prophète.

 

 

 

 

En conclusion, nous comprenons facilement que Jacques le frère du Seigneur devint vite un personnage encombrant pour le christianisme à partir du second siècle.

-         son image forte est liée au judéo-christianisme et meurt avec lui. Il fut à son époque plus important que Pierre. Une tradition ecclésiastique fit de Pierre le premier pape et de Jacques le premier évêque de Jérusalem, ce qui est pour les deux faux et anachronique.

-         Quand le christianisme est bien installé, Jacques embarasse : les doctrines ont changé en partie, son appelleation de frère du seigneur pose problème eu égard à la virginité perpértuelle de Marie, et également eu égard à l’affirmation de la succesion apostolique selon laquelle Jésus aurait fondé l’Eglise, établi les douze en les envoyant en mission ; comment trouver une place pour Jacques ? sa primauté éffective pendant une vingtaine d’années cadre mal avec l’idée que l’on se fait de Pierre et des douze en général. Cette même tradition évacue aussi Paul, l’autre gêneur !

-         Il devint donc nécéssaire d’écarter la tradition judéo-chrétienne, Irénée de Lyon par exemple n’en parle pas. Une Eglise essentiellement d’origine païenne ne pouvait accepter ce Jacques partisan d’une séparation entre deux communautés, entre deux types de chrétiens ; Jacques n’alait pas dans le sens de l’histoire.

La solution fut trouvée par Jérôme au IV e siècle : Jacques un cousin de Jésus, identifie à Jacques d’Alphée, l’un des douze, donc soumis de ce fait à Pierre. La thèse de la prédominance de Pierre et des douze est sauve ! cette astuce de Jérôme a bien porté ses fruits, qui de nos jours connaît Jacques le frère du Seigneur, appelé désormais le mineur ( noter le qualificatif pour quelqu’un qui a dirigé la primitive Eglise), alors que chacun connaît le succès de l’apôtre, Jacques dit le majeur, surtout avec les chemins de Compostelle.

Annexes

Les personnages du Nouveau Testament ayant le nom de Jacques

 

1-     Jacques, le frère du Seigneur ( Marc VI,3 ; Matthieu XIII, 55 ; Actes XII, 17 ; XV, 13 ; XXI, 18 ; Galates I, 19 à II, 12 ; I Corinthiens XV, 7.

2-     Jacques fils de Zébédée, l’un des douze ( Mt IV, 21).

3-     Jacques fils d’Alphée, l’un des douze ( Mt X, 3 ; Mc III, 18 ; Lc VI, 15 ; Actes I, 13.)

4-     Jacques le Petit ( ou le Mineur) qui se rencontre dans les récits de la Passion ( Mc XV, 40 ; XVI, 1 ;Mt XXVII, 56 ;Lc XXIV, 10.)

5-     Jacques, le père de l’un des douze ( Lc VI, 16 ; Actes I, 13).

6-     Jacques, personnage se présentant comme l’auteur de l’épître de Jacques ( Jacques I, 1)

7-     Jacques, le frère de l’auteur présumé de l’épître de Jude ( Jude I, 1).

 

 

Les sources

 

a-      dans le Nouveau Testament

les épîtres de Paul ( années 50)

-         Epître aux Galates I, 18-19 date  de l’été 56. Paul raconte que trois ans après sa conversion, il vient à Jérusalem où il ne rencontra que Pierre et Jacques : «  je suis resté 15 jours auprès de lui ( Céphas), sans voir cependant aucun autre apôtre, mais seulement jacques le frère du Seigneur.. »

-         I Corinthiens IX, 5 : « N’aurions-nous pas le droit d’emmener avec nous une femme chrétienne comme les autres apôtres, les frères du Seigneur et Céphas ? ».

les évangiles synoptiques

-         Marc.( vers 70).III, 31-32 : « Voici que ta mère et tes frères sont dehors.. »

-         VI, 1-3 : «  N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon. Et ses sœurs ne sont-elles pas ici chez-nous ? »

-         Matthieu ( vers 85). XII, 46 : « Voici que ta mère et tes frères se tiennent dehors » ;

-         III, 55-56 : «  N’est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie et se frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez-nous ? ».

Luc et les Actes des Apôtres ( vers 80-90).

-         I, 14 : « ..tous unanimes, étaient assidus à la prière avec quelques femmes dont marie, la mère de Jésus et avec les frères de Jésus ».

-         XII, 17 ( en sortant de prison, Pierre dit : «  Allez l’annoncer à Jacques et aux frères ».

-         XV, 13 : à propos du problème de la circoncision et du conflit d’Antioche : « Quant ils eurent achevé, Jacques à son tour prit la parole : « frères, écoutez-moi… »

-         XXI, 18 : «  Le lendemain, Paul se rendit avec nous chez Jacques où tous les anciens se trouvaient aussi. ».

l’évangile selon Jean (composition étalée dans le temps, vers 100 ?).Les frères du Seigneur sont mentionnés 4 fois :

-II, 12 : « Après quoi ( les noces de Cana), Jésus descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères, ses disciples »

-         VII, 3,5,10 : « ses frères lui dirent …En effet, ses frères eux-mêmes ne croyaient pas en lui…..Lorsque ses frères furent partis … ».

-         XX, 17 : «  Pour toi, va trouver mes frères.. ».

L’Epître de Saint -Jude ( vers 80-90). L’auteur de ce texte se présente comme frère de Jacques. Or dans Marc, Jacques et Jude sont dits frères du Seigneur. En fait l’auteur se réclame des enseignements de Jude. Dans les communautés où vivait cet auteur, on vénérait les frères du Seigneur. Ce texte plonge ses racines dans des milieux juifs remontant à la primitive Eglise. C’est donc un texte judéo-chrétien.

 

 

 

b-      Autres sources :

L’écrivain juif Flavius Josèphe raconte la mort de Jacques  dans un livre « Antiquités juives »  A.J. XX, 197- 203.

 

Des évangiles apocryphes :

-         l’évangile des hébreux, texte populaire judéo-chrétien Egyptien  de la première moitié du II e siècle – pour certains, il serait beaucoup plus ancien (texte aujourd’hui perdu). Ce texte n’est connu que par 7 brefs passages cités par les Pères de l’Eglise. Dans ce texte, jacques bénéficie de la première apparition de Jésus.  Voir la publication récente dans la collection La Pléiade «  Les écrits apocryphes chrétiens », p. 461. Voici un passage cité par St Jérôme  dans les « Hommes Illustres » II : «  Quand le seigneur eut donné le linceul au serviteur du prêtre, il alla vers jacques et lui apparut….Apportez, dit le seigneur, une table et du pain…Il prit le pain, le bénit, le rompit et le donna à Jacques le Juste en disant : «  Mon frère, mange ton pain, puisque le Fils de l’homme est ressuscité de ceux qui dorment. » ce récit où Jésus apparaît pour un repas eucharistique rappelle  Luc XXIV, 29, Jean XXI, 12. Ce texte suppose que Jacques était présent à la Cène, ce qui est une marque judéo-chrétienne favorisant la famille de Jésus.

 

-         l’évangile de Thomas : recueil de paroles de Jésus, texte judéo-chrétien de tendance gnostique, assez ancien – première moitié du IIie siècle- .Dans la tradition gnostique, Jacques représente une autre filière de transmission, différente de celles des apôtres : en XII, Jésus dit  à ses apôtres : «  Où que vous soyez allés,  vous irez vers Jacques le Juste, pour qui ont été faits le ciel et la terre. ».

-         Ces deux évangiles apocryphes suggèrent une tradition où Jacques aurait été disciple de Jésus.

-         L’épître apocryphe de Jacques, texte gnostique du début IIe siècle, Jésus réserve son enseignement surtout à Jacques, plus important ici que Pierre.

 

Hégésippe Chrétien certainement d’origine juive, dans la seconde moitié du IIe siècle, cité par Eusèbe de Césarée dans son « Histoire Ecclésiastique » : «  Le frère du Seigneur, Jacques, reçut l’Eglise avec les apôtres. Depuis les temps du Seigneur jusqu’à nous, tous l’appellent le Juste, puisque beaucoup portaient le nom de Jacques. Cet homme fut sanctifié dès le sein de sa mère. ».

 

 

 

FLAVIUS JOSEPHE : « Antiquités juives » XX 197-203.

«  Le roi (Agrippa I) écarta Joseph du Pontificat, et lui donna comme successeur à cet office le fils d’Anân, lui aussi appelé Anân. On dit que le vieil Anân eut beaucoup de chance. En effet, il avait cinq fils, qui tous exercèrent la charge de grand prêtre de Dieu, et lui même avait eu cet honneur pendant une longue période. Cela n’arriva à aucun autre de nos pontifes.  Anân le jeune, qui comme nous l’avons dit avait reçu le pontificat, était d’un caractère arrogant et d’une audace exceptionnelle. Il suivait l’école des sadducéens, qui sont parmi tous les Juifs les plus inflexibles dans leurs jugements, comme nous l’avons indiqué. Comme Anân était tel, il pensa avoir une occasion favorable parce que Festus était mort et Albinus encore en route, il convoqua un sanhédrin de juges et fit comparaître le frère de Jésus appelé Christos, qui avait pour nom Jacques, ainsi que quelques autres. Il les accusait d’avoir transgressé les lois, et les livra pour être lapidés. Mais ceux des habitants de la cité qui étaient considéré comme les plus modérés et comme les plus exacts au sujet des lois prirent mal la chose, et envoyèrent demander secrètement au roi de lui enjoindre de s’abstenir d’agir ainsi, car ce n’était pas la première fois qu’Anân s’était conduit injustement. Certains d’entres eux allèrent même à la rencontre d’Albinus, qui venait d’Alexandrie, et l’informèrent qu’Anân n’avait pas le droit de convoquer un sanhédrin sans son autorisation. Convaincu par leurs propos, Albinus écrivit avec colère à Anân, le menaçant de représailles. Et le roi Agrippa, pour ce motif, le déposa du pontificat, qu’il avait exercé trois mois, et en investit Jésus, fils de Damnaios ».

 

 

NOTES »

[1] les ouvrages principaux du débat actuel sont ceux de :

·         Pierre-Antoine BERNHEIM,  Jacques, frère du Seigneur, Noësis, 1996, 386 p.

·         Claude ROURE, La famille de Jésus, François-Xavier de Guibert, 1998, 94 p.

·         François REFOULE, Les frères et sœurs de Jésus- frères ou cousins ? DDB, 1995. ( livre qui répond au Jésus de Jacques Duquesne, avec parfois une certaine violence, ce livre défend la position officielle de l’Eglise).

 

[2] cf. ROURE op.cit.p.54.

[3] Un symbole de foi est un texte qui proclame sous forme bien ramassée, l’essentiel de la foi

[4] On trouvera le texte du Protévangile de Jacques dans l’edition la Pléiade Ecrits apocryphes chrétiens p. 73

[5] Nous venons de voir la virginité perpétuelle de Marie, mais se pose aussi le problème de l’origine de la virginité tout court. C’est un sujet évidemment encore plus polémique. Deux éléments de réponse peuvent être apportés pour étayer une réflexion ( ce ne sont pas bien entendu des certitudes, ne pas remplacer un dogme religieux par une sorte de dogme scientifique). Le premier élément est linguistique et est assez connu.     Les traducteurs de la Bible ont pris le mot hébreu almah pour donner parthenos dans la Septante en grec, puis virgo en latin. Cette évolution de concepts change le sens. Au départ, il ne s’agit pas dans le passage d’Isaie VII-14 d’une vierge mais d’une jeune femme ( almah). Alma évoque la promesse de fécondité, désigne toute femme assez jeune pour enfanter, même si elle est déjà mère. La « vierge Marie «  devait être l’image de sa plaine possession de sa fécondité de femme. Voir sur ce sujet les Actes du colloque de la faculté de Théologie de Lyon, oct. 1996 intitulés Théologie, histoire et piété mariale, publiés en 1997, p. 90.

L’autre aspect est plus novateur et osé. Dans la deuxième moitié du Ier siècle, dans le cadre des querelles entre les groupes chrétiens et les groupes baptistes, une certaine récupération baptiste a lieu de la part des chrétiens, et entre autres , de la littérature  merveilleuse déjà présente sur Jean. L’incorporation de ces matériaux au profit de Jésus contribue à élaborer sa naissance miraculeuse et la croyance dans la virginité de Marie380. Voir sur ce sujet un livre très novateur : Laurent GUYENOT, Jésus et Jean Baptiste, Imago Exergue, 1999, 380 p. et également son premier ouvrage intitulé Le Roi sans Prophète, 1996, 306 p.

[6] Les Nazaréens  continuent à faire couler beaucoup d’encre tant le terme est obscur. Le terme apparaît  22 fois dans le nouveau Testament  avec sa double orthographe  naazôraios/nazarènos. Le passage le plus connu est Jean XIX, 19, à propos du titulus ( l’inscription sur la croix) : INRI : Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs. Les bibles généralement renvoient à Matthieu II,23 «  Il vint habiter une ville appelée Nazareth, pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par les prophètes : il sera appelé Nazôréen ». ceci est une interprétation messianique opérée lors de la première ou deuxième génération, en interprétant nazôréen par rejeton, à savoir personne issue de la lignée de David, et donc de son père : Jessé ( d’où l’idée d’arbre – généalogique- de Jessé) en interprétant Isaïe  XI,1, comme étant accompli par Jésus.

L’expression Nazaréens a désigner les premiers chrétiens d’orient, mais nous ne connaissons pas l’origine exacte de ce mot, vient-il de Nazir, celui qui est consacré à Dieu, comme Jean le Baptiste, comme Jacques peut-être, ou bien vient-il de Nazareth avec une dérive de sens, par ressemblance phonétique, pour désigner le Messie, le rejeton ? La littérature sur ce sujet est d’approche difficile pour le grand public, voir par exemple dans la Revue Biblique 1988, T.105-2, pp.263-265.

[7] Le terme chrétien est né à Antioche parmi les païens qui voulaient se moquer de ce groupe suivant un messie ; un messie est un « oint » de Dieu ; le terme oint, du verbe oindre est pris ici au sens vulgaire, de barbouillé, pommadé. La Voie est l’expression utilisée dans les Actes pour désigner le mouvement chrétien ; exemple Actes XIX, 9.

[8] Un bon ouvrage  récent sur Flavius Josèphe  est celui d’Etienne NODET intitulé Flavius Josèphe, baptême et résurrection, 1999, 255 p.

[9] L’affaire du mur du Temple est un peu complexe mais significative des tensions de l’époque. Le Roi Agrippa II a fait surélevé son palais et peut ainsi surveiller l’intérieur du Temple. Les prêtres répondent à cette intrusion par l’élévation d’un mur au-dessus du portique. Le procurateur romain Festus et le roi Agrippa qui ont chacun besoin de surveiller ce temple, ordonne la destruction de ce nouveau mur, les prêtres refusent arguant qu’il est désormais sacré car  solidaire aux autres constructions du Temple. L’affaire est assez sérieuse pour être portée à Rome devant l’empereur Néron. Grâce à l’intervention de Poppée, la femme de Néron qui est une craignant-Dieu, c’est à dire sympathisante du judaïsme, les prêtres de Jérusalem ont gain de cause ( et pourtant, pour des raisons stratégiques, les Romains ont besoin de surveiller ce temple où viennent trois fois par an, pour les fêtes, des pèlerins de tous horizons, y compris de territoire ennemi. En contrepartie, le grand prêtre Ismaël ben Phiabi est retenu en otage. Sur place, Agrippa doit nommer un nouveau grand prêtre, Joseph, qui restera 10 ans en poste, jusqu’à la mort de  Festus.

[10]  Histoire des religions T. 2, in Essais Folio,1999, article sur le christianisme par E. TROCME, p. 219.

[11] Voir le livre de BERNHEIM

[12] La Didaché, instruction des apôtres, Paris Gabalda 198.

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008