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Le DIEU1


 

 

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LE DIEU DES PREMIERS CHRETIENS  

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Comment se précise le contenu de la foi chrétienne dans les premiers siècles

 

Première partie

 

L'expression premiers chrétiens est à prendre au sens des deux premières générations:

·        la première génération est celle des apôtres, de la mort de Jésus ( 30) aux années 60 ( mort de Pierre, Paul , Jacques). Même si le mot chrétiens apparaît à Antioche dans les années 50, il n' y a pas encore vraiment de chrétiens, ce ne sont que des courants juifs parmi d'autres, les choses se passent encore à l'intérieur du judaïsme.

·        La deuxième génération (60-90) c'est l'époque des premières synthèses, de l'écriture de l'évangile. Jérusalem, la ville sainte par excellence n'est plus , le temple est détruit par les Romains, le christianisme va progressivement se séparer du judaïsme, ou plus exactement va être exclu et ainsi former une religion nouvelle à part entière.

 

Les écrits que nous avons ( canoniques et apocryphes) sont le reflet de la diversité des christianismes naissants. Au-delà de cette diversité d'expressions, quels sont les points communs ? Quelle est la conception de Dieu qui se dégage de cette nouvelle religion ? Comment situer et qualifier Jésus ? Ces questions vont trouver progressivement des réponses au cours des premiers siècles, non sans difficultés et tensions, mais, cette première partie va se limiter au premier siècle du christianisme. Nous prenons le parti de ne considérer pour cette époque que l'influence juive laissant volontairement de côté les influences grecques pures qui se développent plus aux IIIe IVe siècles lors des grands conciles œcuméniques.

Comment la conception chrétienne de Dieu s'ancre t-elle dans l'héritage juif ?

 

I-                   L'HERITAGE JUIF

 

1-      C'est l'affirmation d'un Dieu unique qui se révèle.

Les premiers chrétiens sont juifs, Dieu est le Dieu des Pères qui s'est révélé à Moïse au buisson ardent. Dieu s'est révélé en donnant son nom : "Je suis"; dans l'antiquité, le nom de l'autre permet d'accéder à sa connaissance. Un juif ne prononçait jamais le nom de Dieu, c'est le fameux tétragramme divin, seul, une fois par an, le Grand Prêtre prononçait son nom dans le saint des saints du temple. Une conception progressivement monothéiste va s'imposer chez les Juifs de l'antiquité, cela sera très développé par le second Isaïe 40,25; 42,8; ..

Dieu existe par lui-même ( n'est pas créé), par contre le monde ne peut exister que par lui, il l'a créé ( Is 42,5).

Cette révélation de Dieu, les premiers chrétiens la lisent dans la Septante (traduction grecque de la Bible) où le nom de Dieu est traduit par " je suis l'Etant", le Nouveau Testament dira: "je suis l'alpha et l'oméga", "le principe et la fin".

Dieu est père en tant qu'il est principe de tout, qu'il donne l'existence à tout ( 1 Co 8,6; Ep 4,5).

 

2-      C'est le Dieu de l'Alliance et de la promesse.

 

"Dieu règne sur l'univers entier qu'il a créé et plus spécialement sur le peuple d'Israël qu'il a choisi" Ex 19,6. Dieu est le Roi, il fait alliance:

-         avec les hommes en général ( avec Noé, le signe de cette alliance noachique c'est l'arc-en-ciel( Gn  9,8-17). Cette alliance passée avec toute l'humanité entraîne des obligations pour l'homme, il y a une loi minimale à observer. Cette observation du contrat noachique sera reprise par Jacques frère du Seigneur lors du fameux "concile de Jérusalem" en 49-50 lorsque l'on se demande si les païens qui adhèrent à la foi chrétienne doivent au préalable passer par toutes les obligations juives.

-         Avec le peuple juif, c'est la Loi , la Torah, donnée à Moïse

-         Dieu fait des promesses :

·        à Abraham  Gn 15, 1-6 : avoir une descendance nombreuse

·        à Moïse Ex 3, 7-10 : libérer le peuple juif de la servitude en Egypte.

-         cela implique quoi ?

·        Il manque quelque chose à l'homme, un bien qu'il ne peut obtenir de ses propres forces      ( un enfant, une descendance, la liberté …)

·        Ce qui est impossible à l'homme, Dieu peut le faire; la promesse est aussi affirmation de sa puissance, de sa bienveillance.

·        La certitude que cela se fera: la foi, la confiance. Paul dira dans sa lettre aux Romains 4,18: " espérant contre toute espérance". Cette foi en Dieu est bien dite dans l'épisode du figuier desséché ( Mt 21, 18-22). La problématique est la même que celle de l'Ancien testament: si l'on demande à Dieu avec une foi inébranlable une chose humainement impossible, Dieu l'accordera.

·        Pour réaliser son projet Dieu doit se servir d'un intermédiaire, ce fut Moïse. Dieu lui donne trois signes pour convaincre ( Ex 4, 2-9) qu'il est bien l'envoyé de Dieu pour réaliser la promesse. La foi en Moïse est donc indissociable de la foi en Dieu. Après le passage de la mer Rouge ( Ex 14,31), les Hébreux crurent en Yahvé et en son serviteur Moïse.

 

3-     Quelques temps déjà avant  Jésus, un nouvel espoir apparaît face aux difficultés.

 

La vision juive de l'humanité est très pessimiste, le monde est foncièrement mauvais car dominé par les puissances du mal. Cela se voit notamment à Qumram chez les Esséniens, conception dualiste du monde, pessimisme sur le présent où la loi de Dieu n'est plus observée.

Cela se retrouve dans le Nouveau Testament, exemple chez Jean 5,19: "Le monde entier gît au pouvoir du Mauvais" ( le Diable, Satan). Satan est le Roi du monde présent. Jésus lui-même en tant que juif de cette époque le dit nettement : Mt 12, 26; Mc 3, 24-26. : "Si Satan chasse Satan, alors il est divisé contre lui-même et son royaume ne pourra tenir", dit-il lorsqu'on lui demande si son pouvoir de guérison vient de Dieu ou de Satan. Satan, le Roi de ce monde est à l'origine du mal qui touche l'homme.

 

Pour le peuple juif. L'Ancien testament rappelle sans cesse que le peuple d'Israël a rompu l'Alliance passée avec Dieu car il n'observe pas correctement la Loi. Ce rappel est la raison d'être du prophète. Un prophète n'a pas pour fonction de prédire l'avenir, mais de rappeler ce qu'il faut faire, de prédire une juste punition du peuple si ce n'est pas fait, d'où l'expression prophète de malheur, d'où la mise à mort des prophètes que l'on refuse d'entendre pour ne pas changer d'attitude. ( Jérémie, 6, 13-19.).

Le prophète également rêve d'un avenir meilleur, nouveau, d'une nouvelle alliance où le peuple sera fidèle ( Jr 31,31-34)." Je mettrai ma Loi au fond de leur être.."

 

Daniel annonce le renversement de situation, le passage d'un monde dominé par le mal, à un monde où Dieu régnera.. Dieu, dit-il, va susciter un personnage mystérieux, le Fils de l'Homme, il sera Roi et détruira les forces du mal. Voir la vision de Daniel : Dn 7, 13.. A l'époque de Jésus, certains ont conscience que des temps nouveaux vont arriver, penser à la prédication de Jean le baptiste, l'annonceur.

 

C'est sur cet héritage d'une certaine conception de Dieu ( héritage ici décrit à grands traits), que les premiers chrétiens vont bâtir leur foi.

 

II-                LA  FOI  DES  PREMIERS  CHRETIENS.

 

1-      Le même schéma ; les hommes ont besoin de Dieu pour être sauvés, délivrés.

 

Seul Dieu peut sauver l'homme de l'emprise du mal, mais il ne peut intervenir en personne, il a besoin d'un médiateur, ce qui entraînera une foi également dans ce médiateur, cet intermédiaire ( penser à Moïse).

La délivrance du mal va se réaliser dans le cadre d'un royaume nouveau, celui de Dieu et non plus celui de Satan, le règne d'alors.

Jésus et les premiers chrétiens annoncent ce royaume, Jésus a conscience d'être l'instrument de Dieu pour établir ce royaume, et, le roi de ce royaume. En terminologie juive on dira le Messie ( l'oint, du verbe oindre), et en terminologie grecque, le Seigneur.

 

Avec Jésus, on passe du Royaume de Satan au Royaume de Dieu, ce passage est conçu par analogie avec l'exode juif. Moïse délivre de la servitude pour faire entrer en terre promise: Pharaon =  Satan; Moïse = Jésus, la Terre promise = le Royaume de Dieu. L'influence du thème de l'exode, ou du passage des ténèbres à la lumière, est très forte chez les premiers chrétiens. Nous avons donc comme héritage l'utilisation du thème de la délivrance ( et non du rachat ; pas de rançon payée à Satan). Moïse est qualifié de "libérateur" de "rédempteur" par les Actes des Apôtres : Ac 7, 35.

Avec Jésus, la royauté de Dieu commence, il réalise le tournant de l'histoire annoncé depuis Daniel, réaffirmé par Jean le baptiste. Par contre le Dieu de Jésus est un Dieu d'amour, d'un amour inconditionnel et illimité, c'est l'employeur des ouvriers de la onzième heure de la parabole, un amour qui s'adresse à tous y compris aux pauvres, aux hommes en détresse alors que  Jean le baptiste était le messager de la colère de Dieu qui vient juger les hommes. Le royaume annoncé par Jésus vient balayer les discriminations mises en place par la société.

 

Avec Paul, un pas de plus est franchi. Il y a libération non du royaume de Satan mais du péché. Depuis le péché d'Adam, l'homme est poussé au mal même s'il veut faire le bien ." Si je fais ce que ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi". L'homme est l'esclave du péché, il lui obéit comme à un maître ( Rm 6,15-22).

Jésus libère de cet esclavage pour mener vers Dieu. Le péché mène à la mort, Dieu à la vie. Comment Dieu a t-il accompli cette délivrance? Par rachat ? ( rançon payée au péché? Non.). Alors ? Jésus a revêtu une "chair de péché", en devenant homme, il devient pécheur, il est devenu péché, et, en mourant sur la croix, le péché meurt avec lui. Dieu intervient de manière radicale, non par rachat, mais en tuant le péché. Jusqu'ici, c'est toujours dans l'ensemble, le même schéma biblique d'héritage, mais la mort en croix de ce sauveur pose question.

 

2) problèmes posés par la mort de Jésus en croix.

 

comment concilier :

-         la foi en Jésus, Roi du Royaume de Dieu, donc le Messie ou le Seigneur, et,

-         sa mort sur une croix par l'occupant romain avec l'accord de la plupart des Juifs qui le rejettent, cette mort jugée infâme n'est-elle pas le signe d'un échec? En apparence immédiate oui : désarroi des apôtres, débandade, désarroi de Jésus même ? " Père pourquoi m'as tu abandonné ?".

 

-         Le Royaume nouveau annoncé est sur terre. Il ne faut se laisser abuser par deux formules qui peuvent laisser penser le contraire : lorsque Matthieu parle du Royaume des cieux c'est pour ne pas dire Dieu, et la fameuse phrase de Jean ( 18,36):" Mon Royaume n'est pas de ce monde, si mon Royaume était de ce monde mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs, mais mon Royaume n'est pas d'ici" doit être comprise dans le sens, mon Royaume n'a pas l'esprit de ce monde-ci. C'est-à-dire non un Royaume politique, mais un Royaume où la loi de Dieu sera observée. Si Jésus se plaint sur la croix, ce n'est pas parce qu'il va mourir, il le sait depuis quelques temps, mais de ne pas voir la venue totale de ce Royaume.

 

 

-         Cet échec apparent pose problème aux premiers chrétiens. Quelles réponses ont-ils trouvées ?

 

2-     Les réponses des premières générations chrétiennes

 

a-      première réponse: la résurrection. En le ressuscitant d'entre les morts, Dieu prouve que la mission de Jésus était authentique. La foi en Jésus est donc dédoublée, il est le Roi du Royaume ( Christ , Seigneur), mais cette foi n'est possible que si l'on croit que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts.

Paul; Rm 10,9:" En effet, si tes lèvres confessent que jésus est Seigneur, et si ton cœur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé".

Par la résurrection du Christ, Dieu accompli les promesses faites au Père, il y a accomplissement de l'héritage : Actes 13, 32 " Et nous, nous vous annonçons la Bonne Nouvelle: la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie en notre faveur, à nous, leurs enfants : il a ressuscité Jésus."

 

b-     Le scandale de la croix étant levé, un deuxième problème se pose toujours : l'attente de la venue du Royaume. La première génération attend le retour du Christ sur terre pour réaliser cet idéal de Royaume de Dieu ( Actes 1, 6 ; "Seigneur est-ce maintenant ?". Cet espoir se situe dans une perspective juive prophétique : le rassemblement du nouveau peuple de Dieu ( Za 2, 10; Is 43,5; Ez 34,13.) C'est à Jérusalem que les choses doivent se passer ce qui explique la présence de la première communauté avec Pierre, à Jérusalem, malgré le danger pour eux..

Ce retour du Christ (la parousie) doit s'accompagné d'une résurrection des morts ( 1 Th 4, 13-18). Ce texte de Paul dans 1 Thessaloniciens est très clair: " Nous les vivants, nous qui seront encore là pour l'Avènement du seigneur…" Quand cela va t-il arriver ? bientôt mais, (5,1) "Vous savez vous-mêmes parfaitement que le Jour du seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit". Or, ce retour du Christ, tarde, ne se produit pas, il faut donc expliquer autrement l'échec apparent de sa mission .

 

c-      la parole du Christ, qui est le verbe de Dieu, continue à être transmise par les apôtres, c'est toujours la même demande de conversion. Pour aider les hommes dans leur mission, Dieu va envoyer son Esprit et ainsi permettre la réalisation du Royaume. On voit assez bien toute cette évolution au temps de Paul, dans ses lettres. Le Royaume est déjà là et également à venir, à construire par transmission de la parole, par mise en pratique par les hommes.

d-     La foi des premiers chrétiens se construit progressivement, d'où la diversité des expressions selon tel ou tel texte du Nouveau testament, textes qui s'adressent à des communautés différentes, à des époques un peu différentes. Cette foi n'est pas figée, statique, mais une donnée à construire, à approfondir, qui respecte la liberté de l'homme, elle est un chemin ( cf dans Jean , le dialogue avec la samaritaine). La foi s'approfondit en marchant grâce à l'action de l'esprit qui vient au secours de la volonté de compréhension de l'homme, tel est le sens des pèlerins d'Emmaüs.

 

 

III-             COMMENT LES TEXTES DU NOUVEAU TESTAMENT ESSAIENT-ILS DE DIRE TOUT CELA ?

 

Les écrits du Nouveau testament sont écrits sur une période qui va en gros de 50 pour les premières lettres de Paul, à la première moitié du IIe siècle pour les écrits plus tardifs pseudépigraphiques. Il est bien évident que ces textes reflètent les différentes étapes de la compréhension de Jésus, de sa mission et de sa personne. C'est un très vaste sujet, nous ne proposons ici que quelques réflexions.

La conception de Dieu des premiers chrétiens n'est pas séparable de l'idée que l'on se fait de Jésus, dès le début se pose toujours la même question: mais qui est-il donc ? Les réponses seront apportées pendant des siècles. Qu'en est-il lors des premières générations de chrétiens ?

 

1-      d'abord, il faut annoncer la Bonne Nouvelle : l'arrivée imminente du Royaume de Dieu déjà présent par Jésus.

Avec les paroles et les actes de Jésus, le Royaume est déjà là et commence à opérer des changement dans la vie des hommes. La parole c'est la parabole, le geste, c'est le miracle

a-      dans les évangiles, Jésus parle par paraboles comme les rabbins de son temps. Une quarantaine d'histoires nous sont parvenues, où Jésus, à partir d'exemples de vie quotidienne signifie le Royaume. Quelle est précisément la fonction de la parabole dans la bouche de Jésus?

-         l'interprétation classique consiste à dire que par ce procédé simple il réussit à faire comprendre des choses difficiles à des gens un peu limités intellectuellement, faire comprendre quelque chose d'abstrait par une histoire concrète à la portée de tous, un procédé didactique en quelque sorte. Ce serait une démarche comparative allant du signifiant ( semailles, moissons) au signifié ( le Royaume).

-         En fait, la parabole n'enseigne pas, elle agit, elle crée un nouveau regard sur les choses, sur le monde, elle fait entrer de plain pied dans le Royaume. Prenons l'exemple du repas de Jésus chez le pharisien Simon avec la scène à propos de la femme pécheresse. ( Luc VII,36-50). Cette femme pleure d'émotion aux pieds de Jésus qui la laisse faire au grand scandale de Simon qui lui reproche de ne pas respecter les règles de pureté du judaïsme. La situation est bloquée: Jésus ne peut argumenter selon la Loi, Simon a raison, il ne peut renvoyer la femme sous peine de nier sa proclamation d'un Dieu d'amour, aussi, la solution passe t-elle par la parabole, c'est à dire par le biais d'une histoire neutre, où personne n'est engagé, où l'on peut donc réagir sereinement. A la question posée par Jésus, Simon répond bien en affirmant que le débiteur qui aimera le plus son ancien créancier est celui à qui il a été remis la plus grosse dette. Par analogie, Jésus revient maintenant sur le sujet qui fâche et applique le principe sur lequel on s'est mis d'accord. Cette femme pécheresse qui a manifesté tant d'amour , c'est le signe d'une importante remise de dette, ce qu'on appelle le pardon en terme religieux, et la manifestation de cette femme, sa liberté d'action alors qu'elle se sait pécheresse, c'est sa foi : "ta foi t'a sauvée " lui répondit Jésus.

 

Ainsi, la parabole dit et agit immédiatement, c'est la parole créatrice, le Logos, le Verbe de Dieu. Cette parole est passage immédiat de l'ancien royaume au nouveau royaume, celui de Dieu, elle ouvre le chemin: "je suis le chemin," dit Jésus. La parabole n'est pas un savoir sur Dieu et son Royaume, elle le fait vivre, elle crée un nouveau regard, c'est le mécanisme de la conversion, instantané.

 

b-     le geste de Jésus, c'est le miracle. Dans cette époque antique, tout mal, toute maladie est considérée comme la manifestation du péché. Le miracle n'est pas seulement l'acte de guérison du corps du malade, il dit quelque chose : que le Royaume de Dieu est déjà là, que Dieu est plus fort que toutes les fatalités qui pèsent sur l'homme. C'est la réponse que fait Jésus aux envoyés de Jean le baptiste qui cherche à se renseigner: Lc 7,20-22 " Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient à nouveau et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". C'est l'accomplissement de la prophétie d'Isaïe 35, 6.

 

Ainsi donc, pour dire l'arrivée de ce Royaume de Dieu et l'action de Jésus, le genre littéraire qu'est l'évangile nous rapporte la parole qui ouvre une fenêtre sur ce Royaume, et le geste qui libère, comme jadis Dieu avait libérer son peuple d'Egypte.

 

2-      La compréhension  par les premiers chrétiens des paroles et gestes de Jésus  passe par un effort de relecture des messages de l'Ancien testament.

 

Cette relecture à la lumière de l'événement Jésus, se fait dès le départ et ce cessera pas. Trois principaux modèles de relecture sont décelables dans cette réception du message.

 

a-      le modèle de la continuité. L'histoire d'Israël somme toutes, est celle de l'incrédulité, de la désobéissance, du manque de foi, c'est l'histoire des prophètes suscités par Dieu pour essayer de relancer, c'est leur mise à mort pour ne pas entendre le massage. Cette histoire se poursuit à l'identique avec la mise en croix de Jésus et l'incrédulité de la plupart des Juifs; tel est le sens du grand discours d'Etienne au début des Actes des apôtres VII, 1-54. " Nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis, toujours vous résistez à l'esprit saint, tels furent vos pères, tels vous êtes".  Ce discours cite beaucoup les livres de la Torah              ( Deutéronome, Exode..). Derrière ce modèle de relecture, il y a surtout le judéo-christianisme, penser au groupe de Jacques le frère du Seigneur, qui continue assidûment à fréquenter le Temple. 

b-      Le modèle de la promesse réalisée.   C'est de loin le modèle de relecture le plus courant: Christ accompli la Loi, Jésus est le Messie attendu selon la prophétie d'Isaïe,3. Mathieu      ( 8,17) déclare que les miracles sont le signe des temps messianiques (Isaïe 53,4). Ce modèle cite abondamment la Bible surtout les psaumes et les prophètes. Dans cette conception, Dieu se déplace du Temple au Fils. ( Marc 15, 38). Les chrétiens revendiquent la Bible, ce que l'on appellera plus tard l'Ancien Testament, et prétendent que les Juifs la lisent mal.

c-      Le modèle de rupture. Le Christ est la fin de la Loi, avec lui, celle-ci cesse d'être voie de salut, c'est ce que dit Paul. Le péché dans le monde fait que la Loi n'est pas applicable: l'homme cherche à l'appliquer ce qui le rend orgueilleux. La Loi est devenue malédiction, elle coupe l'homme de Dieu.

 

3-      Qui est Dieu, qui est Jésus ? quelques exemples de réponses dans les textes du Nouveau Testament.

 

a-   Comme  dans l'Ancien Testament, la croyance en un Dieu sauveur passait par la croyance en son intermédiaire Moïse, ici, la croyance en la Bonne Nouvelle de Dieu passe par la croyance au Christ.

-         il faut croire en Dieu, en sa parole sinon, on s'expose au châtiment : c'est Zacharie privé de la parole pour n'avoir pas cru  ( Luc 1, 20), à l'inverse, Marie accepte : "qu'il soit fait selon ta parole"(34) "bienheureuse, celle qui a cru" Comme à Abraham, Dieu promet ce qui est impossible à l'homme.

-         il faut croire en Jésus. Les guérisons sont obtenues grâce à la foi :" ta foi t'a sauvé" telle est la phrase courante des évangiles. Le manque de foi fait que ses disciples ne peuvent guérir un enfant ( Mt 17,20: "Si vous avez la foi, rien ne vous sera impossible". En quoi consiste cette foi ?

·        croire que Jésus est un prophète. Est guéri, celui qui croit que Jésus a la puissance de le faire, c'est qu'il est un grand prophète comme Elie. C'est ce qu'on dit de lui ( Mc 8,28) et c'est parfois ce qu'il dit de lui-même " un prophète n'est méprisé que dans sa patrie" (Mc 6,4)..  Mais un prophète n'est qu'un homme, comment peut-il alors accomplir de tels gestes de guérison ? C'est parce qu'il a foi dans la puissance de Dieu : c'est Dieu qui agit par l'intermédiaire du prophète ( ce que dit Nicodème Jn 9,32). L'action de Dieu par Jésus-prophéte est signe de la présence de Dieu parmi son peuple ( Luc 7,16). C'est le retour de la foi dans les promesses de Dieu.

·        Croire que Jésus est le Christ. Les apôtres partagent bien sur la foi du peuple, mais leur démarche va plus loin . Lorsque Pierre déclare "Tu es le Christ", c'est à dire le roi du Royaume qui vient, Jésus demande de ne pas le dire aux foules. Ainsi, la foi en Dieu des premiers chrétiens implique la foi en Jésus prophète et Roi.

 

b-     quelques exemples pris dans les textes du Nouveau testament.

-         dans les Actes des apôtres. Les premiers chrétiens sont appelés " ceux qui ont cru". C'est croire en l'avènement du Royaume (8,12), dans une perspective juive, que Jésus est le roi de ce Royaume ( Messie, Christ dit en grec) (18,28), et dans une perspective grecque, qu'il est le Seigneur de ce Royaume (5,14). Ce Jésus mis en croix est ressuscité par Dieu, il est toujours vivant, désormais, la foi en la résurrection est indissociable de celle de Jésus. Les Actes rappellent que cette mort était prévue par Dieu ( 4,28), ils le démontrent en s'appuyant sur les Ecritures juives. Ainsi, les promesses se réalisent, on ne peut pas croire en Dieu si on ne croit pas en Jésus.

-         Dans les lettres de Paul c'est la même double foi nécessaire pour être sauvé. Il y a continuité avec l'Ancien testament, le modèle du croyant est Abraham, qui, puisqu'il crut, fut justifié ( sauvé). La foi c'est pour Paul, la confiance que l'on met en Dieu qui a manifesté sa puissance en ressuscitant Jésus.

-         Chez Jean, il faut croire en Jésus, c'est à dire adhérer à sa personne. "que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom" (Jn 20,30). L'expression "Fils de Dieu" n'a pas ici un sens transcendant, elle marque la filiation adoptive ( Psaume 2,7). L'essentiel, est que Jésus est le Roi du Royaume de Dieu., ( identique pour Jean à la vie éternelle),  est le prophète envoyé par Dieu (6,29). Jésus Roi et Prophète se situe là aussi dans la perspective des promesses ( Dieu avait promis d'envoyer un nouveau Moïse ( Dt 18,15).

-         Dans d'autres passages de Jean, Jésus est Dieu, il est "je suis", le "Fils, l'Unique Engendré".( cf le prologue).

 

 

 

-          C- plusieurs réceptions chrétiennes, de Jésus coexistent.

-         Selon certains courants, Jésus est Dieu. Deux textes le disent nettement

·        la fin de la première lettre de Jean 1 Jn 5, 20 " Nous savons que le Fils de Dieu est venu, et qu'il nous a donné l'intelligence afin que nous connaissions le Véritable ( c'est à dire Dieu). Nous sommes dans le Véritable, dans son Fils Jésus-Christ; celui-ci est le Dieu Véritable et la Vie éternelle."

·        La lettre à Tite ( Tt, 2-13 " attendant la bienheureuse espérance et l'Apparition de la gloire de notre grand Dieu et sauveur, le Christ-Jésus". Voir aussi Rm 9,5; 1Tm 1,1.).

-         Selon d'autres courants, Jésus n'est qu'un homme: 1 Tm 2,5 " Unique est Dieu, unique aussi la médiateur entre Dieu et les hommes, un homme, le Christ-Jésus, qui s'est livré en rançon pour tous."

 

Le Christ fut-il tenu pour Dieu dès le départ du christianisme ou est-ce le résultat d'une réflexion théologique  postérieure?

Selon la prédication de Marc, l'évangile le plus ancien, Jésus n'est pas Dieu, mais un homme, lui-même refuse le titre de Dieu " Pourquoi m'appelles-tu bon, seul Dieu est bon ". Pour Paul et Jean, Dieu a créé le monde par sa sagesse, son Logos ( Jn 1,1; 1Co 8,6) Logos ( verbe) et Sagesse sont identifiées à Jésus; mais comme pour le savant Philon d'Alexandrie, comme dans les livres de la sagesse de la Bible, le Christ-sagesse ou le Christ-Logos, n'est pas Dieu, car la sagesse est créée par Dieu  (Col 1,15 )" Il est l'image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses." C'est seulement au terme d'une évolution, pas avant les années 80, que le Christ sera identifié à Dieu. Cela se voit en Jn 1,1 qui ajoute l'expression "et la parole était Dieu" au texte primitif, et en Tt 2,13 qui réinterprète 1 Tm 2,5 en y ajoutant l'affirmation que le Christ est" notre grand Dieu et sauveur". Jean         ( 16,12-13) explique que c'est sous l'action de l'Esprit que les chrétiens peuvent comprendre.

Par contre , il n'est nulle part fait mention de la trinité dans les textes du Nouveau Testament (Mt 28, 19 est un rajout). Vers la fin du premier siècle, la filiation de Jésus ( scène du baptême) est conçue comme naturelle et non plus adoptive comme avant, mais il faudra encore plus de temps pour que l'Esprit soit perçu comme une personne et non comme la simple manifestation de la puissance de Dieu. Pas avant fin premier siècle également, le Logos sera considéré comme Dieu.

 

Avec les textes du Nouveau Testament nous assistons en direct en quelque sorte, aux premières élaborations d'une réflexion sur Dieu. Luc s'aperçoit dans son évangile et surtout dans les Actes " qu'il n'est pas d'autre moyen pour raconter l'histoire de Dieu, que de raconter celle de ses messagers." Tout le problème est de qualifier ce messager qu'est Jésus. Homme - prophète au début, Roi ( Christ, seigneur) du Royaume de Dieu, puis Dieu lui-même à la fin de la période d'écriture. Aussi, face à ce constat d'une pensée en pleine évolution, le lecteur contemporain ne doit pas s'enfermer dans un seul texte du Nouveau Testament et extrapoler son contenu; chaque texte doit être abordé pour lui-même avec son contexte, ses destinataires, il ne faut pas  dogmatiser et figer une réponse, qui n'est qu'une parmi d'autres.

Tous ces tâtonnements  des premières générations chrétiennes sur l'identité de Jésus seront repris, développés par les pères de l'Eglise et les grands conciles du IV e siècle; il faudra du temps , beaucoup d'énergies et de tensions pour arriver à clarifier ces questions, cela se fera au prix de séparations de certains groupes qui constituent désormais des églises séparées.

Pour nos premières générations chrétiennes, qui demeurent longtemps au sein du judaïsme, la situation devient de plus en plus difficile à tenir à partir du moment où l'on conçoit Jésus comme Dieu; comment dans ce cas ne pas sortir du monothéisme strict du judaïsme; c'est toute la question  qui sera débattue dans les trois siècles suivants.

 

 

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008