Poitiers, 15 novembre 2000

  Identité culturelle, intégration et citoyenneté.

   Hainifa CHERIFI  

         Le problème de l’intégration a été mis en évidence par les affaires «  du foulard islamique ». A ce propos, on peut se poser un certain nombre de questions. Le passage  à l’école républicaine serait-il moins efficace qu’autrefois ? Est-ce que l’islam des jeunes, plus communautaire que celui des parents n’est pas en rupture avec celui-ci ? Est-ce que la quête de sens trouve sa réponse dans l’islam ? Puisque la liberté de culte existe, pourquoi l’islam ? Quel est le rapport avec les origines ? Est-ce un moyen de se reconstituer une histoire individuelle et collective ? Le retour à l’islam est peut-être une réaction de dépit encouragée par les courants religieux hostiles à l’intégration.

            L’appartenance religieuse d’un élève issu de l’immigration a parfois un caractère ostentatoire. C’est une réponse à une question identitaire qui ne se trouve pas dans le champ laïque. Les premières générations immigrées n’ont pas ressenti le besoin de  lieux de culte , de création de communauté, car le retour au pays était sûr.  Les immigrés de la  3ème et 4ème génération, dans une société fermée dans une conception étroite de la laïcité, reviennent vers l’islam et veulent montrer leur religion car ils  ne peuvent s’affirmer en tant que citoyens.

            Les quelques éléments d’analyse présentés ici ont été réunis du fait de ma fonction de chargée de mission pour la médiation et l’intégration au ministère de l’Education Nationale, de mon intégration au milieu professionnel immigré, et de mes origines algériennes.

 

            Le retour à la religion serait, selon les sociologues facteur de stabilisation et signe de sédentarisation  de la population immigrée (15 millions en Europe, 4 millions en France). D’autres pays , de tradition laïque différente, comme la Belgique ou l’Allemagne voient la même revendication identitaire s’exprimer.

            On pense souvent que c’est le processus migratoire et la position minoritaire qui entraîne ces manifestations ostentatoires de l’islam, pourtant on constate la même poussée islamiste dans les pays d’origine, même quand l’islam est la religion unique. Elle est souvent accompagnée de violences et de terreur et menace parfois les régimes politiques en place. Est-ce que l’engouement pour l’islam est du à  sa position minoritaire en Europe ou  à sa force de contestation face au monde occidental ?

            Les mouvements contestataires sont nés au XIXème siècle et se sont développés dans les années 20 avec les Frères musulmans en Egypte, puis dans à partir de 1979 en Iran. Mais l’islam n’a pas toujours eu un rôle dans les conflits avec l’occident. Il n’a pas joué de rôle dans les guerres de libération (voir la plate-forme de création du F.L.N.). C’est à la faveur de l’effondrement du nationalisme et du marxisme que les mouvements islamistes se sont développés. Il n’y a pas de référence religieuses dans les chansons populaires de l’immigration qui remontent au début du XX ème s., pas plus que dans l’abondante littérature maghrébine de langue française. Avec la possibilité du regroupement familial (1974) et l’arrivée de nouveaux immigrants du Maghreb et de Turquie, ce ne sont plus des hommes seuls qui arrivent. Les jeunes, nés en France vont se créer une nouvelle identité , différente des modèles proposés par leurs parents. La construction individuelle peut se faire selon 3 modes :

-          par la religion ; les jeunes sont recrutés par des prosélytes islamiques comme l’a été le terroriste K. Kelkal qui se disait «  ni Algérien ni Français mais musulman » ( « le Monde » 7 octobre 1995). Le voile est également une manifestation de la quête d’identité.    

-          par l’intégration volontariste. On refuse ses origines dans un désir d’assimilation.

  -          Par la synthèse plus ou moins heureuse des deux premiers modes. L’islam occupe alors une place normale qu’on le pratique ou pas, il ne s’oppose pas aux autres références culturelles ni à l’intégration. Zinedine Zidane  qui se réfère à ses origines kabyle et rend hommage à ses parents, Abdelatif Benazzi, ancien capitaine de l’équipe d e France de rugby en sont des exemple populaires.

 

Le désenchantement des beurs les a amené à suivre les propositions de l’islam comme alternative au manque d’intégration. Dans les années 70 le prosélytisme islamique s’est infiltré dans les foyers et les quartiers. Le droit d’association étendu aux immigrés en 81 a permis un travail d’islamisation dans un cadre légal. L’écoute est forte chez les déshérités et les marginaux, dans les prisons. La crise s’aggravant et les conditions de vie dans les banlieues se détériorant ,  la propagande islamique s’étend et se répand même parmi les lycéens. Les mouvements islamistes expliquent aux jeunes que malgré des diplômes et la naturalisation ils n’ont aucune chance de réussite. L’islam a donc réponse à tout et entraîne une rupture avec la société française.

 

Aujourd’hui, une réponse économique et sociale ne suffira pas à résoudre le problème, mais l’islam n’est pas le seul problème, contrairement à ce que l’on croit en ce moment (débats et colloques sont organisés sur ce thème). La popularisation de l’islam est nécessaire dans l’espace public, mais elle est aussi néfaste car elle augmente le prosélytisme des mouvements islamiques qui imposent la religion comme l’élément dominant ou même l’élément exclusif de l’identité des populations du sud de la Méditerranée. Il faut éviter de laisser le terrain aux mouvements qui prônent le refus de l’intégration et une identité réduite à la religion. Il est indispensable de distinguer

ce qui est le fait de la religion, (du sacré),

ce qui relève de l’identité et de la culture,

 ce qui relève de l’idéologie.

            

 

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compte rendu fait par Françoise Gay, Collège La Providence, Poitiers

 

 

 

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008