Problématique pour un enseignement d'Histoire des religions.

Françoise DUNAND (égyptologue),   directrice de l'Institut d'Histoire des religions de Strasbourg .

François BOESPFLUG ( théologien Dominicain),   professeur à l'Université de Strasbourg.

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Pour une mémoire des religions ( livre écrit par les 2 conférenciers et Jean Paul Willaime).

Cet essai aborde les problème de fond:

foi et croyance
les problèmes des différences religieuses
la religion à l'école
la dimension religieuse des phénomènes historiques

Présentation de l'objet du livre:

Le cadre: Centre de recherche de l'Histoire des religions de l'université de Strasbourg ( regroupe 3 facultés, crée par M. SIMON en 1952):

Comparatisme entre les différentes religions: quelle méthodologie? La bonne démarche pour évoquer les différentes religions sans gommer leurs spécificité?
Réflexion sur l'enseignement du fait religieux dans le secondaire:
programmes
analyse des manuels

Ce livre, Pour une mémoire des religions est né en 1992: prise de position sur la question par trois auteurs différents ( Athée, Dominicain, Protestant) et qui ont des vocabulaires différents. D'où négociation afin de pouvoir donner naissance à un ouvrage homogène, un texte commun sur une question importante en France: Est-il possible d'enseigner les religions en respectant la Laïcité, les fois et les croyances des uns et des autres ?

La réponse est: Oui, c'est possible de le faire. Mais comment parler des religions et dans quel esprit?

I°) Vocabulaire: CULTURE RELIGIEUSE - CATÉCHÈSE -HISTOIRE DES RELIGIONS

Dans l'enseignement privé on navigue entre ces trois éléments. Il est donc essentiel de définir précisément les concepts et les mots. On partira du livre p. 142 pour proposer un certain nombre de définitions:

- CULTURE: fréquentation prolongée de signes expressifs / familiarité avec un système de signes. / capacité de se mouvoir dans ce système de signes et aptitude à l'enrichir.
- ABSENCE DE CULTURE: incapacité de se mouvoir dans un système de signes.
- CULTURE RELIGIEUSE: rites, mythes, symboles, œuvres d'art etc... ( le système de signes qui les expriment). Familiarité avec ses systèmes de signes sans avoir à connaître précisément les dates. Une anecdote: un professeur d'Histoire pose une question à ses étudiants de licence: “ Vatican II ? ” réponse d'un étudiant: “ résidence secondaire du Pape ”.

On doit ( c'est le devoir moral des croyants) acquérir et perpétuer la culture religieuse.

Une culture religieuse se fréquente (textes sacrés, musique, œuvre d'art, littérature, ...)

- CATÉCHÈSE: elle est donnée à l'intérieur d'une religion par un croyant à des croyants ( sa transmission est liée à l'entrée dans un groupe). Elle transmet les grandes lignes, les attitudes fondamentales d'une religion: le croyant reçoit une initiation: c'est donc une FOI qui s'adresse à une FOI.
- HISTOIRE DES RELIGIONS: science humaine qui prend en charge le problème religieux. Le fait religieux est son objet d'étude ( discipline, méthodologie, rigueur, méthode de travail sur des concepts)
- DIFFÉRENCES ENTRE CATÉCHÈSE ET HISTOIRE DES RELIGIONS ?

La catéchèse se transmet à des croyants ( interne à une religion)

L'Histoire des religions: pas de problème de Foi. Elle fait référence à une communauté.

Les horizons sociaux sont différents

Les outils sont différents:

la Catéchèse: c'est la Foi elle-même; la communauté des croyants

l'Histoire des religions: des livres, des monuments, des documents, des dictionnaires, ....

La catéchèse peut se passer de documents : elle est fondée sur un contact oral, humain et immédiat. Mais souvent elle a recours à la culture religieuse ( sinon elle risque de tourner en rond).

- QUI EST COMPÉTENT ?
La catéchèse: Tout croyant peut la transmettre de manière chaleureuse / toute personne touchée dans sa sensibilité par la force d'une religion.
L'Histoire des religions: Celui qui a pris le temps de se familiariser avec les documents. Il faut du“ métier ”même si on est croyant. Toute personne qui a travaillé, même athée
Il faut acquérir des méthodes et des outils pour atteindre une dimension objective de la religion à laquelle on appartient. Pour parler du Christianisme par exemple, on n'est pas obligé d'être chrétien.

II°) Réflexion: RELIGION ET MODERNITÉ ? QUELS RAPPORTS ?

1) Le religieux est pris dans un piège:

Perte de pouvoir: régression de la pratique religieuse:

 

catholiques: 1950: 30 % allaient à la messe / 1990: 10 %
protestants - 50 % entre 1966 et 1990
judaïsme: 15 % d'observants
islam: 15 % d'observants
Désertion du religieux: aujourd'hui on assiste à un libre choix des pratiques religieuses ( on se déclare croyant mais non pratiquant). Il y a donc rejet de l'institution mais appartenance à une communauté.

2) Mais revalorisation socioculturelle du religieux:

Reconnaissance des religions comme patrimoine culturel ( traditions, imaginaires,....) qu'il faut préserver et transmettre.

Il faut les garder intelligible. DONC il est nécessaire de promouvoir la culture religieuse.

Reconnaissance de leur rôle au niveau de l'éthique ( médecine, sciences, etc....)

Présence des religions dans les médias ( ARTE, Nouvel Observateur: Soif de Dieu, Télérama: Dieu dans tous ses états.....). Il y a certes revalorisation médiatique mais cela comporte des aspects négatifs (aspect commercial, simplification parfois)

3) La mémoire perdue

Constat général de l'inculture des jeunes générations ( divers sondages parus dans les médias, rapport Joutard, colloque de Besançon...)

Remèdes:

apprentissage de la culture religieuse à l'école
avancées timides des pouvoirs publics ( cf. programme d'Histoire de la classe de Seconde) mais réticences des enseignants; ces réticences traduisent cependant une peur: comment enseigner le fait “ religieux ” ( dimensions irrationnelles, personnelles) ?

==> ces réactions mettent en relief l'un des problèmes essentiels: la formation des enseignants

III°) LE SCRUPULE DÉONTOLOGIQUE. ENSEIGNER L'HISTOIRE DES RELIGIONS: OFFENSER LA LAÏCITÉ ?

Le livre propose des pistes aux professeurs du secondaire.

Le dernier essai de F. BAYROU, Le droit au sens, apporte quelques réponses. En effet dans le chapitre III ( 100 pages environ) Bayrou affirme que la Laïcité que la Laïcité est la clef de voûte du vivre ensemble, mais elle veut dire autre chose: le droit à la différence, comprendre les différences.

Dans ce même chapitre, il aborde la question de l'Histoire des religions: la France est un pays de droit du sol pour la nationalité. Il faut donc qu'elle soit cohérente et qu'elle accepte d'accueillir et de comprendre la différence. Selon lui il n'y a aucun conflit entre Laïcité et parler de la religion ( ou plutôt des différentes religions).

Chez Bayrou on va du politique pour aboutir au pédagogique.

La laïcité à la française n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Le livre pour Une mémoire des religions p. 110 montre comment se comportent les voisins par rapport à la question. Il existe en effet plusieurs modèles.

- Enseignement confessionnel obligatoire: Irlande, Portugal, Grèce... et les pays musulmans
- Enseignements religieux statutaires pour certains et cours alternatifs pour d'autres ( cours d'éthiques, philosophie générale: Italie, Allemagne ( les lands ont entière liberté, plus de différence), Espagne, Grande Bretagne.
- Initiation à l'Histoire des religions ( optique comparatiste), cours statutaires: Danemark
- Rejet total de la religion, abstention: France et les USA ( séparation tranchée entre les états et les Églises)

IV) LES PRINCIPALES PERSPECTIVES D'ACTION: QUELQUES CONSEILS:

La neutralité - objectivité - déontologie ( pas de classement à faire; “ toutes les religions sont mauvaises ”)
Ne pas parler que des “ grandes religion ” : on doit évoquer aussi les religions “ mortes”. ==> La notion de patrimoine fait référence à d'autres sagesses, à d'autres religions
Donner le goût de la curiosité, de la rencontre
Les valeurs: ce n'est pas un cours de morale mais il y a des implications: être attentif à autrui, tolérance, revaloriser la curiosité intellectuelle et la réhabiliter.
Prendre le temps et être modeste
Mémoire: la religion est une part de la mémoire collective, de notre culture mais on peut la falsifier ( d'où le danger)
Il faut parler de tout: de l'Egypte ancienne au New-age.
Relativiser mais sans tomber dans le relativisme simpliste et présenter certaines choses comme normales ( par exemple les sacrifices humains chez les Aztèque).

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 compte rendu fait par par Abderrazak HALLOUMI , ( professeur de lettres au Lycée Le Porteau, Poitiers, Diplômé en Sciences et Enseignement des Religions)

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008