Bible juive et Bible chrétienne.

Pierre GIBERT, jésuite, exégète, professeur et doyen de la Faculté de Théologie de l'institut Catholique de Lyon. auteur de nombreux travaux scientifiques et pédagogiques sur l'histoire de la Bible

D'un point de vue chrétien: la bible juive est différente du christianisme même si le tronc est commun. A ce sujet on ne peut que déplorer un œcuménisme “ simpliste” car il y a risque de dangers et de confusions :

le judaïsme qui a continué n'a pas reconnu en Jésus le messie.
le christianisme l'a persécuté.
Il y a un tronc commun, des textes communs, mais il y a des différences fondamentales, des options différentes, il n'y a pas le même rapport aux écritures.

I) LA “NAISSANCE” ET Le CANON DE LA BIBLE JUIVE:

- Une date simple mais importante: 70 après J.C.. Les légions de TITUS assiègent Jérusalem car l'activisme juif agace les romains.

Cette même année là, des délégations gauloises se réunissent a Reims. Les délégués se posent des questions: “ que faire vis-à-vis des romains ? Guerre ? Soumission ? ”. Ils décident de se soumettre car les Romains respectent leur culture et leurs religions. Les Gaulois jouent à fond le jeu de la “PAX ”            ( c'étaient déjà des gallo-romains).

A l'autre bout de l'empire, “le petit peuple juif”, à peine l'équivalent de deux départements français, réagit autrement. Le monde juif est remuant, actif, intellectuel, possédant des grands maîtres ( Jésus considéré comme RABBI, et le christianisme se relève grâce à un RABBI , PAUL ( SAÜL DE TARSE).

Rome voulait respecter les règles et les interdits juifs, le TEMPLE, etc...Il y a eu un respect profond et réel du judaïsme. Or ce judaïsme refuse cela ( c'est dans ce sens qu'on peut comprendre la passion du Christ).

Titus lors du siège de Jérusalem ( cf. le roman de Marek HALTER, Mémoire d'Abraham, sauf qu'il fait référence à des événements qui ont eu lieu en 135 après J.C.) est curieux: il veut entrer dans le temple comme conquérant et demande de le préserver. Mais le temple est incendié malgré ses ordres.

Les Rabbis quittent le temple et se réfugient à Jamné ( ville au sud de Tel Aviv) avec l'espoir et l'idée de le reconstruire ( après l'incendie les murs sont restés debout) et de rétablir le culte (les Écritures offrent des garanties pour le faire). Mais Adrien rase définitivement le temple.

- A Jamné, il y a eu carence: pas de sacrifice. Les intellectuel et les Rabbis refont l'expérience de l'exil ( vécu 5 siècles plutôt). De fait, la patrie et le sanctuaire ce sont les ÉCRITURES et cette conviction se renforce de plus en plus.

Pourtant un problème surgit: les écritures ne sont pas closes. Le canon des écritures n'est pas net. Avant ces événements, on ne s'est jamais posé la question.

Deux siècles plutôt il y a eu La SEPTANTE ( traduction en grec des textes hébreux) mais ce travail n'a pas empêché l'apparition d'autres livres en hébreu comme par exemple le Syracide, découvert en Égypte en 1896.

- Les Rabbis se retrouvent face à ce problème et commencent à se distinguer des disciples de Jésus qui écrivent dans l'ancienne tradition. Mais avant ils se sont posés des questions: Doit-on intégrer les textes chrétiens ? Faut-il les considérer sacrés ? ( “ Les écritures chrétiennes salissent-elles les mains ”, c'est-à-dire faut - il se laver les mains avant et après la lecture , comme pour les autres textes de la tradition ?). A l'origine le groupe chrétien apparaît comme un groupe juif (il y avait des synagogues judéo-chrétiennes). Puis après une série de disputes, les chrétiens ont été mis à part. La réponse des Rabbi a été: “ les écrits chrétiens ne salissent pas les mains ”. Cette attitude a été importante d'un point de vue historique pour le développement de la BIBLE JUIVE et de la BIBLE CHRÉTIENNE.

- A Jamné: Qu'est-ce qui fixe les Écritures ? Comment ? A partir de quoi ?

Il y a eu des discussions mais absence de définitions claires et précises: les rabbis se trouvent confrontés à une multitude de textes. Il leur faut donc définir et fixer les écrits. Ils vont suivre deux direction: la liste des livres et la langue.

la liste des livres

Bien entendu les écrits des disciples de Jésus sont excommuniés.

Tous les Rabbis n'étaient pas d'accord sur tous les livres qui doivent constituer leurs Écritures . la première et la seconde partie de la Bible ont été adoptées à l'unanimité. D'autres passages, au contraire ont posé de problèmes par exemple le Cantique des Cantiques ( considéré comme un poème d'amour et trop érotique), L'Ecclésiaste ou bien encore quelques passages d'Ezéchiel. Un des Rabbis, Rabbi Akira s'élève contre cette discussion et demande, au nom de la tradition, que ces livres soient intégrés.

la langue

Le CANON des écritures juives n'accepte que les textes en hébreu car les écrits chrétiens sont en grec. C'est pour cette raison que les livres conservés en grec ( Maccabés, Sagesse, ...)ont été éliminés. Cependant, les Rabbis de Jamné ne sacralisent pas l'hébreu ( différence avec l'Islam pour qui l'arabe est la langue du Coran et du culte).

Le choix de l'hébreu était juste un problème de discipline (trois langues ont été utilisées tout le long de l'histoire du peuple juif: l'Araméen, l'hébreu et le grec. Ce qui importe le plus c'est de comprendre les Écritures).

Les chrétiens utilisent la Bible en grec (La SEPTANTE).

II°) LA BIBLE CHRÉTIENNE:

1) les chrétiens sont les conservateurs de l'héritage juif.

La Bible juive a été fixée pour se démarquer des disciples de Jésus. On peut la considérer comme un CANON contre les chrétiens. En effet les juifs vont jusqu'à simplifier leur rituel pour qu'il n'y ait pas trop d'éléments communs. Il y a même chez eux une prière contre les hérétiques chrétiens ( le quatrième évangile pour répondre à cela a été “ retouché ” )

Les Chrétiens du premier siècle acceptent cette définition de la Bible juive faite à Jamné: ils gardent les livres exclus par les juifs et qui sont à 150% juifs! Paradoxe: les chrétiens sont les conservateurs de l'héritage juif ( surtout les catholiques et à une moindre mesure les Luthériens)

2 Les écrits chrétiens.

Les chrétiens n'avaient pas conscience d'être à l'origine d'écritures sacrées. Ils baignaient cependant comme les auteurs de l'ancien testament dans une culture d'écriture et de communication. On écrit quoi au premier siècle ? En fait les premiers textes répondent aux besoins de la communauté:

Les textes qui disent la foi et qui présentent le Credo ( cf. Corinthiens XV, )

Les textes liturgiques: hymnes ( cf. chapitre 3 Philippiens), Prologue de saint Jean, Apocalypse...

Les Logia: ( paroles, enseignement du professeur , sens étymologique) liste des paroles de Jésus. ( Cf. Matthieu V à VIII)

Les lettres des chefs de la communauté ( cf. les différentes épîtres, réponses de Paul aux questions posées par les uns ou les autres)

Les premiers textes répondent à une certaine demande. Ils sont écrits dans l'urgence. Certains textes ont perdu certains passages (le début ou la fin) car ils ont été recopiés “ à la va - vite ”.

Au premier siècle on n'était pas trop regardant sur la notion d'auteur, ce qui nous ramène une fois encore à la tradition du monde juif. On se fiait pourtant à l'autorité des Apôtres et des grands maîtres.

3) Paul ( Saül de Tarse) et l'école paulinienne:

C'est un converti. Il était Pharisien, rabbi et grand intellectuel juif de la diaspora ( le judaïsme au temps de Jésus ne se trouvait pas coincé autour du temple. Il y avait plusieurs communautés à Rome, Antioche, Alexandrie, etc... Le christianisme a pu se développer grâce à ce réseau.)

Paul va s'imposer comme maître et comme source du christianisme. Il va apporter au christianisme les façons de faire du judaïsme:

- Le rabbi représente la connaissance, le savoir et la tradition. C'est sa parole qui tranche et qui représente l'autorité en la matière.

- Le rabbi a des disciples qui écrivent au nom du maître: les disciples rassemblent les propos et les dits du maître. Souvent, le maître dicte et les élèves copient / rédigent.

- les disciples se constituent en groupe dépositaire de la pensée du maître.

Même après la mort du maître, les disciples continuent sa pensée ( toutes les lettres n'ont pas été rédigées par Paul / La pensée misogyne que l'on retrouve dans les écrits “ Pauliniens ” est attribuée à tort à tort alors qu'est de la responsabilité de ses disciples)

==> Les différents textes sont des écrits de circonstance amenés par la nécessité.

4) Les évangiles ( les livres historiques)

- Les premiers chrétiens ont vécu avec cette conviction que ce monde est fini et que le retour du Christ est imminent ( cf. Corinthiens).

- Le projet historien ( le conservatoire de la mémoire) est tardif car au début il n'était pas urgent.

- Les narrations autour de la Passion sont anciennes mais elles s'inscrivaient dans un but liturgiques et non pas historien car les premiers fidèles pensaient que le chrétiens n'avaient pas d'avenir.

- Mais avec le temps, ils avaient pris conscience qu'il fallait durer et qu'il fallait fixer la mémoire.

- L'épreuve des persécutions a rendu conscients les chrétiens du premier siècle que la doctrine comme la mémoire collective sont mortelles. Les Évangiles sont repris dans une perspective historique

C'est l'idée de la mort qui a été à l'origine du développement d'écrits d'Apocalypse.

Conclusion

- Le christ est le fondement de la bible chrétienne en amont et en aval:

- En amont: Jésus se réfère aux Écritures. Il les clôt d'un point de vue doctrinal alors que pour les juif cette clôture n'a pas été accomplie par le Christ.

- En aval: Il y a un corpus d'écritures qui a été reconnu de fait dès le milieu du IIème siècle. Le Nouveau Testament est reconnu à part et il est défini assez tôt ( sacralité de ces textes). Il faudra cependant attendre les grands conciles des IVème et Vème siècles pour que le Canon soit fixé.

- La Bible = Ancien Testament + Nouveau Testament

- Un accord tacite s'est fait au sein de l'Eglise: parmi la liste de livres de témoins certains ont été gardés alors que d'autres sont considérés comme apocryphes.

 

compte rendu fait par Abderrazak HALLOUMI , ( professeur de lettres au Lycée Le Porteau, Poitiers, Diplômé en Sciences et Enseignement des Religions)

 


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Dernière modification : 03 janvier 2008