La notion de polythéisme. La religion égyptienne.

                    

par   Françoise DUNAND (égyptologue) directrice de l'Institut d'Histoire des religions de Strasbourg.

                      

Introduction

- Peut-on penser les polythéismes ? Cela est-il concevable ?

- En 1983, le CNRS organise des études sur cette question. En 1988 F. Schmidt publie un ouvrage intitulé: L'impensable polythéiste.

Plan da la conférence:

Une petite histoire du polythéisme

Les polythéismes: réalités historiques

L'Egypte ancienne.

I°) Une petite histoire du polythéisme

- Ce mot apparaît pour la première fois chez PHILON d'ALEXANDRIE et on le retrouve au XVIe siècle chez Jean Bodin.

- Ce mot est fortement connoté. Il a d'abord été synonyme d'idolâtrie: il fait référence aux dieux des sociétés qui n'ont pas connu le vrai DIEU.

Les dieux des polythéistes sont perçus comme les représentants de SATAN;

- La vision change à la Renaissance et cela pour plusieurs raisons: meilleure connaissance des textes, découvertes des religions des pays conquis ( le continent américain): pour LAS CASAS, les amérindiens sont capables d' adopter le christianisme ( leurs religions ne sont donc pas éloignées du christianisme). D'autres humanistes rapprochent les religions des Indiens du Canada avec les religions de Rome.

- Au XVIIIe siècle pour BAYLE, le polythéisme est la première religion de l'humanité ==> Il y a eu reconnaissance mais pas valorisation.

Polythéisme et Tolérance vont être liés ( chez HUME et DOLBAC) ===> retournement de l'opinion.

- XIXe siècle: plusieurs attitudes:

- Réaction romantique: la religion originelle de l'humanité c'est le monothéisme ( réaction par rapport au XVIIIe)

- L'optique Darwinienne: des historiens réfléchissent sur l'évolution des religions ( TAYLOR, COMTE) : religions élémentaires ( animistes) les polythéismes les monothéismes.

A cette optique on peut rattacher plusieurs présupposés:

- évolution universelle et constante de certaines sociétés

- les monothéismes, stade ultime de cette évolution

- polythéismes: dégénérescence ou stade intermédiaire

- Si certaines sociétés sont restées polythéistes c'est parce qu'elles ont stagné .

- XXe siècle: On est aujourd'hui porteur de cette vision

II°) Les polythéismes: réalités historiques

- Plus on avance dans les recherches sur le néolithique, plus on découvre que les populations connaissaient des religions polythéistes.

On découvre deux symboles: un symbole féminin ( forme humaine) et un symbole masculin ( forme animale). Double principe, double symbole: la figure centrale est une figure féminine

==> Il y a donc déjà au Xe millénaire des systèmes symboliques et des réalités religieuses plurielles.

- Le polythéisme est une réalité historique: jusqu'au XVIe siècle les polythéismes étaient dominants. Selon F. BRAUDEL, au XVIIe siècle il y avait :

100 millions de personnes en Europe
35 millions de personnes en Afrique
350 millions de personnes en Asie
10 millions d'Amérindiens

Le christianisme est la religion de l'Europe, l'islam celle des Arabes. Des systèmes polythéistes se retrouvent dans le reste du monde.

- C'est avec les différents mouvements de colonisation que l'on assiste à la diffusion du monothéisme ( Christianisme, islam).

- Disparition des religions locales (suite à la colonisation du XIXe siècle). Mais les croyances anciennes résistent et fusionnent dans le monothéisme. Les pratiques ancestrales demeurent et l'on peut observer dans certaines régions du monde la juxtaposition des deux systèmes.

Exemple: dans les Andes, à la fin des années 80, 98 % des habitants se déclarent chrétiens, mais cela n'exclut pas l'appartenance à d'autres systèmes : rites précolombiens, cultes rendus aux forces de la nature, culte de la terre-mère ( offrande, pèlerinage), les luttes rituelles masculin contre féminin (les symboles), le sang qui fertilise le sol....

III°) L'Egypte ancienne.

1) Un polythéisme historique

Au néolithique :

( Ve - IVe millénaires) chaque communauté avait son dieu. A l'entrée de l'Egypte dans l'histoire au IIIe millénaire il y a certes un système monarchique mais aucun centralisme religieux: chaque communauté conserve ses cultes

Les cultes sont organisés autour de divinités animales ( les dieux à forme animales, les régions portaient des noms d'animaux).

Époque historique:

- Les divinités sont multiples et polymorphes. Mais certains dieux vont prendre de l'importance. Par exemple le dieu est reconnu partout ( il en de même pour Horus et Osiris qui à l'origine étaient des dieux locaux et dont le culte est pratiqué partout).

- Montée des dieux des familles régnantes: exemple au début du deuxième empire, Amon ( dieu local à l'origine) , le dieu de la famille Thébaine ( 18ème dynastie) va devenir le dieu dynastique.

==> Il y a toute une série du même ordre: des phénomènes politiques ont des influences sur le religieux. Le roi étant le seul prêtre, le clergé ne peut exister que par délégation.

- Après l'expansion vers la Syrie et la Nubie, les dieux des panthéons des pays colonisés ont été introduits en Égypte.

L'arrivée des monothéismes juif et chrétien: pas de conflit:

- Diverses colonies juives en Égypte: des mercenaires au service des rois; la construction de temples n'a pas posé de problèmes notables.

- Chrétiens: les 3 premiers siècles très bonne cohabitation. Pas de conflit. Les choses ne dégénèrent qu'à partir du IVe siècle, à Alexandrie.

2) Un véritable travail théologique:

- Les dieux sont polymorphes. le même dieu peut être représenté de façons diverses ( humain, animal, humain à corps animal) ==> Multiplicité des formes et des images.

- Un véritable travail théologique : Amon, , PTAH ( 3 dieux auxquels on se réfère par une formule trinitaire).

- Tout dieu égyptien est appelé unique. Un dieu du panthéon peut recouvrer tous les autres sans perdre son identité. En invoquant un dieu , on n'exclut pas les autres.

hymne à OSIRIS: tu es unique, ...

hymne à Amon: forme unique, créant tous les êtres, ...

hymne à Thot: dieu unique,...

==> L'Un et le Multiple: voilà ce qui caractérise les cultes égyptiens.

Des dieux sans contours, dieux pluriels, mais le dieu qu'on prie est unique      ( emploi du singulier au IIe millénaire)

- Le dieu de l'individu est toujours invoqué au singulier mais on ne peut parler de monothéisme. Il n'y a pas d'opposition entre croyance polythéiste et monothéiste, elle sont conciliables.

3) Le passage au christianisme jusqu'au IIIe siècle

- Y a -t- il changement des pratiques?

Dans la vie quotidienne, les égyptiens continuent à consulter les ORACLES pour savoir ce que l'on devait faire. ( un exemple du VIe siècle illustre cela)

Quant à la magie, on la retrouve aussi bien à l'époque païenne qu'à l'époque chrétienne.

- Ce qui a changé ?

D'après P.BROWN, il y a eu aux IIIe et IVe siècles un renversement dans les rapports avec la divinité. On a eu besoin d'intermédiaire, d'intercesseur car il y a eu passage à un monde où le dieu transcendant a pris la place des dieux présents.

Conclusion et échanges:

- Le monothéisme ne doit pas être considéré comme le stade suprême, l'évolution normale.

- La religion égyptienne: ce ne sont pas des légendes mais des cultes vécus.

- Hénothéisme: intermédiaire entre polythéisme et monothéisme. Pour le christianisme, le seul intermédiaire c'est le christ. Il est le centre du culte. Pas de développement Trithéiste.

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compte rendu fait par par Abderrazak HALLOUMI , ( professeur de lettres au Lycée Le Porteau, Poitiers, Diplômé en Sciences et Enseignement des Religions)

 

 

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Dernière modification : 03 janvier 2008